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...:::Ansible:::...

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Tous les territoires de l'imaginaire, en vitesse supra-luminique. Chroniques sur le cinéma, la littérature, les jeux, séries TV, bandes dessinées.

Publié le par Ansible
Publié dans : #Livres


DOCTEUR CA EMPIRE

Il en va pour les livres comme pour les gens : en les voyant, on sait parfois qu'on va les détester, les aimer, ou qu'ils vont nous laisser indifférent. Et quelques très rares fois, on tombe éperdument amoureux au premier coup d'œil. La trilogie Daughter / Servant / Mistress of the Empire fait partie de cette dernière catégorie. Publiée pour la première fois en 1987, la série n'a été que très récemment traduite en français ; n'ayant lu que la version originale, je ne pourrai vous parler que d'elle.

Raymond E. Feist avait écrit la série "Riftwar", avec un excellent premier tome Magician, également disponible en français depuis peu. Dans cette série, le monde de Midkemia, de nature médiévale fantastique à tendance heroïc fantasy assez prononcée, est confronté à un mystérieux envahisseur, venu d'un autre monde à travers un portail magique (le rift). La série nous montre le point de vue de Midkemia et de ses habitants, le monde des envahisseurs n'étant pour ainsi dire jamais décrit. C'est donc avec Janny Wurts que Feist a écrit cette trilogie, qui elle décrit le monde de Kelewan - celui des envahisseurs de Midkemia. Ce monde abrite principalement le grand empire de Tsuranuanni, auquel nous allons nous intéresser. Empire fortement féodal, largement inspiré du Japon médiéval, un empereur tout-puissant mais de papier, règne. Le véritable pouvoir est détenu par des grandes familles, des clans, plus ou moins puissants selon leur richesse, leur force militaire, mais aussi leur prestige. Car si force et richesse sont des éléments cruciaux, l'empire de Tsuranuanni possède et applique un code de l'honneur extrêmement développé, très strict et très rigide.


"Daughter of the Empire" commence avec le personnage de Mara, fille du seigneur de la famille des Acoma, ancienne et respectée, mais peu riche, et haïe par un puissant ennemi, le clan des Minwanabi, une des cinq grandes familles à l'origine de la fondation de l'empire. Mara se destine à entrer dans les ordres, au service de Lashima, "déesse de la lumière intérieure". Mais pendant que Mara se préparait à entrer au temple, les Minwanabi ne sont pas restés inactifs, et les Acoma sont au bord de l'extinction. Délaissant son chemin de paix, Mara se voit placée à la tête des Acoma, contrainte de lutter par tous les moyens possibles, non pour prospérer, mais pour survivre. Comme souvent avec certains auteurs anglais ou américains, les livres sont très épais : 530 pages pour le premier tome, 800 pour le deuxième, et 850 pour le dernier. Il faut dire que l'intrigue développée est dense et décrit avec précision et un grand souci du détail le monde de Kelewan, la société, et surtout les jeux de pouvoir - militaires, politiques et économiques - entre les grandes familles. De plus l'écriture des auteurs est réellement très fluide, et les pages se dévorent avec un appétit jamais rassasié ! Rarement livre ne se lût avec autant de plaisir, vous viendrez même à y passer vos nuits. Dans ce premier tome, Mara découvre l'ampleur de la catastrophe qui frappe sa famille, et fait le difficile apprentissage de l'exercice du pouvoir, de la gestion de ses terres et du gouvernement de ses gens. Laissée presque sans défense face à ses ennemis, c'est sur la loyauté, la compétence, la surprise, l'innovation et l'intelligence qu'elle va devoir compter pour survivre.

Loyauté et compétence de ses conseillers, soldats et ouvriers, surprise et intelligence face à ses adversaires, déclarés ou opportunistes, et innovation par rapport aux traditions et code de l'honneur stricts qui règnent dans l'empire. Sans jamais les briser, Mara va les détourner à son avantage, gagnant ainsi quelque répit.Dans ce tome comme dans l'ensemble de la trilogie, le récit se divise en deux ou trois fils narratifs, l'un basé sur les Acoma bien sûr, les autres racontant - parfois mais pas toujours - les intrigues de ses ennemis ou des évènements extérieurs.

Diversité bienvenue, même si les Minwanabi sont quelques peu caricaturaux (ils me rappellent beaucoup les Harkonens dans "Dune"). Impression étrange, on se croirait parfois dans un jeu de stratégie : en effet, on voit Mara partir de presque rien, son armée décimée, son père et son frère tués, et peu à peu gagner des avantages, pour arriver à un point où les Acoma ne sont plus complètement menacés d'oblitération. En relisant "Daughter of the Empire" pour la cinquième fois, j'ai un peu eu une impression d'accumulation : les épisodes s'enchaînent, et Mara en sort à chaque fois victorieuse (même si une victoire peut être coûteuse à certains points de vue). Ceci dit, ce livre se dévore ! Les auteurs prennent le temps de raconter les choses, et ne se pressent jamais. Chaque intrigue est longuement explorée, chaque parole à double sens montrée (là encore on retrouve un peu de "Dune"), et chaque conséquence expliquée. Loin d'être didactique, cette façon de faire permet au lecteur de véritablement comprendre et rentrer dans la mentalité de l'empire de Tsuranuanni.

Le deuxième tome, "Servant of the Empire", met en scène Kevin, troisième fils d'un petit noble de Midkemia, capturé au combat par l'Empire, et vendu comme esclave. Acheté par Mara, incapable de se conformer au rôle d'esclave (cette notion étant liée aux réincarnations successives auxquelles croient les Tsuranni), la confrontation entre sa façon de penser et celle de Mara donne lieu à de nombreux ajustements et innovations. Franchement excellent - encore plus que le premier ! - ce livre nous fait entrer bien plus profondément dans l'Empire. Car si les Minwanabi sont encore très présents, on découvre les "Great Ones", ces magiciens tout puissants qui sont la loi et contre lesquels personne ne peut rien, et les intrigues politiques à grande échelle qui ont lieu, et qui mèneront à une sanglante "nuit des longs couteaux". (Et si de plus vous lisez la série "Riftwar", vous saurez plus de ce qu'il advient à Pug et Laurie)

Ce recul se poursuivra dans le troisième et dernier tome, "Mistress of the Empire", où cette fois les fondations mêmes de l'Empire sont remises en cause. Et que peut donc Mara, même à la tête des désormais puissants Acoma face à des magiciens qui d'un simple geste peuvent balayer toute une armée ?

Cette trilogie fait partie des rares très grandes œuvres de la littérature de Fantasy. Bien écrite (les longueurs sont à mon avis tout à son avantage), basée sur un monde et surtout une société, une mentalité, extrêmement complexes et décrits en détails, variée de par les sujets abordés, son seul défaut est qu'il faut au minimum une cinquantaine d'heures non-stop pour tout lire.


CoeurDePat.
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