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...:::Ansible:::...

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Tous les territoires de l'imaginaire, en vitesse supra-luminique. Chroniques sur le cinéma, la littérature, les jeux, séries TV, bandes dessinées.

Publié le par Ansible
Publié dans : #Livres

Ca commence par une scène connue : un jeune homme se réveille dans un hôpital désert. Au-dehors, toute vie semble avoir déserté Londres. Puis peu à peu il apprend qu’une abomination s’est abattue sur le monde. Ca vous rappelle l’ouverture du film 28 jours plus tard ? C’est normal, Danny Boyle, son réalisateur, cite régulièrement John Wyndham comme l’une de ses inspirations. Wyndham, l’un des meilleurs écrivains de SF anglaise de l’après-guerre. Ici la catastrophe a pour cause une curieuse pluie de météorites qui a provoqué la cécité chez tous ceux qui l’ont contemplée. Et pour principaux bénéficiaires les triffides, des plantes dotées d’un aiguillon mortel, mais qui semblent également avoir d’étranges capacités… Une intelligence ?

Le Jour des Triffides est donc un récit de survie, en même temps qu’un récit initiatique. Ceux qui ne sont pas devenus aveugles doivent-ils aider à tout prix les autres ? Ou au contraire les laisser à l’abandon pour que s’opère une sélection « naturelle » ? L’auteur ne tranche pas, préférant montrer les deux aspects.
Ce roman est un classique « ancien » de la SF, puisqu’il date de 1951. En pleine période de Guerre froide, à l’époque où chaque écrit parlant d’un ennemi désigne clairement celui qui se trouve de l’autre côté du Détroit de Bering. Mais, alors que certains autres récits du même auteur (Le péril vient de la mer, Les Coucous de Midwich (adapté plusieurs fois au cinéma sous le titre Le Village des Damnés…) – certes plus tardifs - font preuve d’une certaine modernité dans le ton, dans les éléments traités, celui-ci se montre plutôt engoncé dans des sous-intrigues démodées, comme cette histoire d’amour à l’eau de rose qui sert de moteur sur un tiers du roman. Par contre, c’est une adolescente qui prend les choses en main à un moment, peut-être parce que l’auteur se lassait du ron-ron dans lequel il s’était installé.




Pour le reste, c’est un survival d’assez bonne tenue, un peu naïf sur certains aspects (la traditionnelle accusation des Russes, le peu de « survivants »…). Si vous êtes amateur(trice) de ce type de récit, c’est tout de même un classique que Terre de Brume et Folio SF ont eu l’heureuse idée de rééditer (ou d’exhumer) après deux ou trois décennies de statut d’introuvable.

Spooky.

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Publié le par Ansible
Publié dans : #Livres


Ange est un auteur à deux têtes. Si vous ne connaissez pas la bande dessinée d'heroic fantasy, en particulier chez Soleil, il est probable que vous ne compreniez pas ce que je veux dire. En fait derrière ce pseudo se cache un couple, ou plutôt un ex-couple, Anne et Gérard Guéro, qui ont développé depuis une quinzaine d'années plusieurs univers à l'imaginaire souvent riche et audacieux. Leur dernier projet se nomme La Légende des Tueuses-démons, c'est un ambitieux cycle de fantasy chez Bragelonne, éditeur leader sur ce genre (voir par ailleurs).
J'ai lu les épreuves non corrigées de ce premier tome, intitulé Le Grand Pays, qui propose de faire la connaissance de Malïn, jeune prince mineur d'un royaume qui se retrouve ravagé par une étrange maladie qui ronge la peau. Refusant de se suicider - un suicide obligatoire lorsqu'on est infecté- , Malïn parvient à s'échapper du Palais, et échoue dans une contrée au-delà de l'océan, Le Grand Pays, où sa destinée doit s'accomplir. Accompagné par Alia, une courtisane promise à un autre prince, il parcourt cette nouvelle contrée afin de trouver une Tueuse-Démon, seule personne capable d'abattre le Démon, la créature qui a contaminé tous ceux de sa race.

Attention, la suite de l'histoire comporte pas mal de révélations, donc si vous ne souhaitez pas que je vous gâche l'essentiel de votre lecture, passez votre chemin.

Je n'ai pas aimé ce roman. Souvent je me plains de problèmes de narration, de développement de l'histoire, mais ici ce n'est pas le cas. En fait j'ai eu l'impression de lire une histoire de bric et de broc, où peu d'éléments tenaient réellement ensemble. Les deux (ou trois, si l'on ajoute la tueuse que les deux adolescents réussissent à embarquer dans leur entreprise) héros ont quatorze ans, et se comportent comme des adultes, enfin presque. Alors bien sûr, à un moment, Malïn est sous l'emprise d'une entité supérieure, ce qui explique sa métamorphose, mais cela sonne complètement faux. Pour sauver leur pays, ils partent donc en quête d'une tueuse-démon, un personnage mythique lorsqu'ils débarquent dans le Grand Pays, et puis d'un coup ils arrivent dans l'école qui forme ces sorcières... A un autre moment les enfants se retrouvent richissimes, et cela leur permet de lever une armée, laquelle armée conquiert sans coup férir, et quasiment en un clin d'oeil, le Palais pour permettre à la Tueuse-démon d'affronter son ennemi séculaire. Ces facilités m'ont vraiment énervé, sans compter la fin, où Malïn commet un acte totalement incompréhensible. Certes, Alia l'a attaqué, mais sa "vengeance" me semble expédiée de façon trop cavalière pour être vraiment satisfaisante.
Le Grand Pays oscille entre plusieurs genres, sans vraiment en emprunter les éléments fondateurs. Il y a un peu de fantasy, puisque nombre d'éléments du récit : présence de la magie, éléments mythiques, environnement vaguement médiéval. un peu de terreur dans certains passages qui se veulent noirs mais qui sont finalement assez maldroits, et on pourrait par moments parler de récit d'initiation ou d'introspection puisqu'il y a des moments où nous sommes dans l'esprit de Malïn, seul. Malheureusement les auteurs n'entrent pas vraiment dans ces genres, préférant rester en surface, et l'on se retrouve avec un récit d'aventure où deux enfants font joujou avec la magie et les vies, mais avec une accroche très réduite envers le lecteur. Pourtant ils essaient de placer leur somme romanesque à un niveau supérieur, avec ces quatre personnages qui sont fascinés par des routes colorées ou ces statues cyclopéennes. Mais c'est trop peu.

Une oeuvre mineure, au mieux.

Spooky.


Pour ceux qui souhaiteraient découvrir l'univers d'Ange, j'avais réalisé une interview il y a quelques temps.

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Publié le par Ansible
Publié dans : #Livres
http://ressources.bragelonne.fr/img/livres/2007-01/CouvKetchummaxi.jpg  

Un simple fait divers dans l’Amérique des années cinquante. Dans une banlieue paisible où la vie est tranquille et ordinaire, une adolescente, Meg, et sa jeune sœur handicapée ont été placées chez une tante éloignée après le décès de leurs parents.
La tante a une certaine idée de l’éducation. Ses brimades, d’abord anodines, font vite place à des accès de rage, des caprices cruels, et bientôt un atroce supplice dans lequel elle entraîne ses trois fils, puis les autres garçons du voisinage.
L’un d’eux, pourtant, refuse de participer mais ne peut se résoudre à s’opposer à l’autorité de cette femme. Il sait qu’il doit prendre une décision d’adulte : faire un choix entre l’amour et la luxure, entre la compassion et le mal.

 

« Ce livre est insupportable, je ne l’oublierai jamais », a indiqué en accroche l’éditeur de ce livre… Je n’en suis qu’à la moitié quand je commence ma chronique, et c’est le cas. J’ai dû me faire violence. Violence pour lâcher, l’espace de quelques minutes, ce roman qui vous tord l’estomac. L’horreur, à ce moment, ne fait que monter, mais déjà c’est insupportable. L’écriture, la narration sont d’une qualité rare. Ketchum découpe son récit en chapitres courts, voire très courts. Le dernier de la première moitié ne comporte par exemple qu’une phrase, anodine en apparence, mais qui marque le basculement dans la folie de l’histoire. Une fille comme les autres est l’histoire d’une descente aux enfers. L’enfer c’est bien sûr l’abri souterrain où les enfants et leur mère font subir de nombreux sévices à la pauvre Meg, mais aussi l’esprit de Ruth, la tante de la jeune fille, qui assiste en tant que chef d’orchestre au défoulement de ses fils. Chef d’orchestre mais aussi entomologiste, puisqu’elle observe soigneusement leur comportement, s’amusant à les manipuler pour les faire aller plus loin encore dans l’horreur. Ce qu’il se passe dans cet abri est horrible, et nous le voyons par les yeux d’un petit voisin, qui sent monter en lui un mélange complexe de sentiments : le désir, la fascination morbide, la révolte, la colère… Une parabole sur l’entrée dans l’adolescence, où fantasmes naissants rentrent en conflit avec la raison, la bienséance et le bon sens. Et même, la santé mentale.

Jack Ketchum, dont c’est le pseudonyme, s’est inspiré d’une histoire vraie datant des années 1965 pour écrire son histoire. Celle-ci est violente, mais pas extrêmement, et elle traumatisera certinement nombre de lecteurs. Attention donc aux âmes sensibles.

 

Ma lecture fut à la fois passionnée et douloureuse. Passionnée parce que Ketchum écrit extrêmement bien, son style est nerveux et il sait installer une ambiance en peu de mots. Douloureuse parce que ce qu’il raconte est quand même très dérangeant. Attention, Ketchum n’est pas malsain, il sait s’arrêter sur le seuil de l’insoutenable ; mais son roman pose clairement la question : si l’on a le choix, la liberté, basculerait-on dans la violence gratuite, ou choisirait-on la voix de l’empathie, de la bienséance ? c'est un huis-clos oppressant, vraiment très prenant. A noter le jeu de mots  contenu dans le titre pour une fois intéressant en français : en effet, The Girl next door (titre original donc) signifie littéralement "la voisine", mais aussi "la fille ordinaire", ces deux appellations s'appliquant idéalement à Meg. Les traducteurs et éditeurs français ont donc choisi la version la moins littérale, pour souligner la banalité de l'histoire, ou du moins la banalité du cadre...

 

Ce livre est insupportable, je ne l’oublierai jamais.

 

 

Spooky. 

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Publié le par Ansible
Publié dans : #Livres


Le Sud des Etats-Unis recèle bien des surprises...
Une jeune femme brutalement taillée en pièces dans sa maison de Virginie... avec une arme vieille de plus de cent ans. Un officier à la retraite éviscéré... par un assaillant invisible. Un jeune homme, les yeux crevés dans sa baignoire... puis bouilli vif. Qu'ont ces victimes en commun ? Quel être de cauchemar les a massacrées ? Le mystère s'épaissit lorsque la police, jusque-là impuissante, reçoit l'aide d'une petite fille qui semble être la seule capable de voir l'assassin. Mais pourront-ils capturer un tueur qui n'a peut-être jamais été humain ?
L'inspecteur Decker Mc Kenna mène l'enquête, et celle-ci va le mener dans les méandres du temps, et peut-être lui permettre d'exorciser une blessure intime...

Depuis son premier roman Manitou, écrit en une semaine en 1975, l'Ecossais Graham masterton fait partie des auteurs les plus populaires de la littéraure d'épouvante. Très prolifique, ses romans sont traduits dans de nombreuses langues. La plupart de ses écrits sont réalisés suivant un même schéma : des meurtres atroces sont commis, un enquêteur découvre qu'une tradition ancienne est à leur origine, et ça se termine en général non sans dommages... Masterton va toujours chercher des légendes, des mythologies très exotiques ; cela ne manque pas d'intérêt, mais à mes yeux ses récits (ou du moins tous ceux que j'ai pu lire émanant de lui) se cassaient immanquablement la gueule en cours de route, jusqu'à des fins confinant parfois au grand guignol.

Le Diable en gris ne déroge pas à ces règles. Ici on nous présente la santeria, religion primitive originaire d'Afrique, et importée dans le Nouveau-Monde par les esclaves, qui mènera au vaudou. Une religion peuplée de tout un tas de dieux, certains bienveillants, d'autres plus vindicatifs, que les esclaves noirs ont continué à prier dans les champs de coton du Sud, en leur donnant les noms de saints chrétiens, afin de ne pas se faire repérer par les autorités locales et leurs maîtres. En même temps nous faisons un retour en arrière dans le temps, vers la bataille du Wilderness en 1864, où les forces de l'Union subirent une défaite aussi cuisante que mystérieuse. Si vous voulez en savoir plus, rendez-vous sur cette page de Wikipedia.
Comme d'habitude Masterton distille une ambiance assez inquiétante avec ces meurtres étranges, puis des éléments ma foi pas inintéressants (cette petite fille autiste qui est presque la seule à pouvoir voir le tueur, le récit très oppressant de la bataille du Wilderness que Decker revit en rêve...). Mais ça tourne ensuite en eau de boudin avec un raccrochage à la religion chrétienne ainsi qu'un traitement qui vire presque au bal costumé dans la dernière partie. Mis à part pendant les meurtres du début, on n'a pas vraiment peur... Dommage de gâcher de la matière de cette façon...


Spooky.

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Publié le par Ansible
Publié dans : #Personnalités



L'écrivain, réalisateur et scénariste américain Michael Crichton, est décédé en novembre 2008. Romancier à succès (je vais y revenir), médecin de formation à l'affût des dernières explorations scientifiques, c'est indéniablement un auteur majeur des littératures de l'imaginaire qui disparaît.

cet ancien médecin, né en 1942 à Chicago, commence à écrire des romans policiers à l’âge de 23 ans. En 1969, il publie La Variété Andromède, qui parle de l’invasion d’un virus extraterrestre. Le succès venant, il décide de devenir écrivain à plein temps. Ne tenant pas en place, il sillonne l’Asie, gravit le Kilimandjaro, traque le gorille et l’éléphant d’Asie. S’intéressant à une multitude de sciences et techniques (primatologie, neurobiologie, biophysique, économie, histoire des pays nordiques et génétique... entre autres), il les applique dans des romans souvent brillants, aussi bien au niveau technique que de l’écriture.
Interrogé sur sa manière de travailler, Crichton révèle quelques éléments : il s’installe à l’écart de chez lui, de manière assez régulière : un démarrage lent, un arrêt, puis une reprise et une activité allant crescendo jusqu’à la conclusion de l’ouvrage. Ses sujets ? des thèmes qui secouent l’actualité, voilà pourquoi on se sent si proche de ses histoires. Crichton réalise des dossiers, composés d’articles de presse (spécialisée ou non), d’études et de documents divers. Et ceci dans toutes les directions : géopolitique, religion, physique, bioéthique, sociologie, botanique... Les dossiers s’accumulent, et un jour, Crichton sent qu’il est mûr pour en faire le sujet d’un livre. Il essaie toujours de placer son personnage principal dans une position inextricable. Ses textes répondent à une double exigence : la rigueur scientifique, mais également le divertissement pour le lecteur lambda de thrillers.
 
En prise directe avec son époque, soucieux des préoccupations de la société, Michael Crichton prouve à chaque sortie qu’il est un grand auteur.

Considéré comme le père du techno-thriller, il a écrit un certain nombre de romans considérés comme des références. Le plus connu d'entre eux est bien évidemment Jurassic Park (1990), qui évoquait la possibilité de faire revivre les dinosaures à notre époque à partir d'un échantillon d'ADN. On connaît le destin de cette histoire, avec à la clé un record historique pour son adaptation cinématographique par Steven Spielberg en 1993. Mais il a écrit aussi d'autres histoires, tout aussi passionnantes : je citerai Le 13ème guerrier, Sphère, Prisonniers du temps, Etat d'urgence ou encore La Proie, les quatre derniers appartenant à ce sous-genre du techno-thriller où la science est une toile de fond, mais aussi une finalité pour nous raconter une histoire toujours nerveuse, enlevée, dynamique. Le 13ème guerrier est une sorte de relecture du mythe de Beowulf, au coeur des traditions nordiques. En-dehors de ce sous-genre de prédilection, il fait des incursions dans le thriller tout court : Harcèlement, Soleil levant, Un Train d'or pour la Crimée, tous adaptés avec plus ou moins de bonheur sur grand écran. Vous avez certainement vu l'un ou l'autre de ces films. J'oubliais aussi Congo, où une expédition scientifique part au coeur de l'Afrique pour explorer une cité mythique sur laquelle régneraient de grands singes... Je pourrais vous parler aussi de L'Homme terminal, de La Variété Andromède, excellents romans eux aussi. Crichton a aussi créé et produit la série télévisée Urgences, et s'est essayé à plusieurs reprises à la réalisation : on citera Mondwest, un western science-fictionnesque avec Yul Brynner, ou Runaway, l'évadé du futur, deux longs-métrages où les robots tiennent une grande part...  Il a aussi scénarisé Twister, intéressant thriller climatique réalisé par Jan de Bont en 1996.

Crichton était un écrivain populaire : il a vendu plus de 100 millions d'exemplaires de ses romans, écrits sur une période de 40 ans, traduits en 30 langues et parmi lesquels on trouve une dizaine de best-sellers. Aussi bien par ce volume de livres vendus que par la taille (il culminait à 2m06), il constituait avec Stephen King l'un des plus gros vendeurs de best-sellers au monde.



Diplômé de médecine d'Harvard, Crichton s'intéresse très tôt à notre environnement. Il fait d'ailleurs partie des sceptiques du réchauffement climatique, et surtout de son origine humaine. Il fut interrogé sur le sujet par une commission du Sénat américain, s'attirant les foudres des vrais spécialistes du sujet. Son roman Etat d'urgence témoigne d'ailleurs de ses convictions sur le sujet. Il est membre du Conseil d'administration de The Gorilla Foundation, fondation pour la protection des gorilles.

Crichton avait le souci d'écrire des intrigues carrées, impitoyables, qui vous rendaient incapable de lâcher ses bouquins (je me souviens d'avoir lu Sphere dans des conditions très difficiles il y a quelques années), avec toujours des fondements scientifiques incompressibles, et même parfois d'imaginer des prospectives sur ces bases. Lisez La Proie, un thriller haletant sur les nano-technologies et vous comprendrez. On y retrouve le thème de la boîte de Pandore ouverte par des scientifiques sans scrupules, très vite dépassés par les conséquences de leur geste. Crichton restera sans doute comme un auteur majeur de ce tournant entre deux siècles, où les frontières de la science, notamment en matière de génétique, sont en train d'être repoussées de façon incroyable. Il aura inspiré beaucoup d'étudiants dans ses champs d'investigation, et aussi fait frissonner des centaines de millions de personnes avec ses velociraptors gambadant à notre époque.

Voici quelques-unes de ses oeuvres, dont beaucoup ont été marquantes (les dates entre parenthèses sont celles des parutions en France, et des sorties des adaptations cinéma éventuelles) :

La Variété Andromède (1970) : Un virus extraterrestre tente de décimer les humains. La résistance s’organise.

 
Extrême urgence (1973) : Un médecin asiatique est suspecté d’avoir tué une jeune femme marginale. Edgar du meilleur roman policier 1973.

Mondwest (1973) : Un robot qui a les traits de Yul Brynner mène la révolte des machines dans un futur à la Meilleur des Mondes. Un "grand" auteur nous a quittés.
L’Homme terminal (1974) : Un homme sur le cerveau duquel on a fait des expériences tente d’aller plus loin en ingérant différentes drogues.

 
Un Train d’or pour la Crimée (1978/1979) : 1855, Edward Pierce décide de dévaliser le train qui transporte les lingots d’or destinés à payer les soldats anglais qui se battent en Crimée.

Looker (1981) : Ce film montre comment une clinique de chirurgie esthétique tente de remplacer des mannequins par des images numériques. Inédit en France.

Runaway (1984) : (avec Tom Selleck) Dans un futur relativement proche, toutes les tâches domestiques sont accomplies par les robots. Lorsque certains d'entre eux tombent en panne, une section spéciale de la police est chargée de les neutraliser...
Sphère (1988/1998) : Un groupe pluridisciplinaire de scientifiques est envoyé au fond des océans à la rencontre d’un étrange vaisseau spatial. Le film de Barry Levinson vaut plus que les critiques assassines reçues à sa sortie. A noter un casting de stars (Dustin Hoffman, Sharon Stone, Samuel L. Jackson).
Jurassic Park (1992/1993) : Avant le choc cinématographique réalisé par Spielberg, il y eut un roman palpitant et véritablement révolutionnaire.

Soleil Levant (1993/1992) : Deux policiers, dont un vétéran féru de culture japonaise, vont mener l'enquête sur un crime commis dans le milieu nippon de Los Angeles.
Harcèlement (1994/1994) : Deux anciens amants se retrouvent en bonne place pour obtenir la même fonction, au sein de la même entreprise. Chacun accusera l’autre de harcèlement sexuel. Le film avec Demi Moore et Michael Douglas fit beaucoup parler de lui en son temps.
 

Urgences (1994) : cette série très connue en est à sa treizième ou quatorzième saison. Elle montre, avec pas mal de réalisme, le quotidien du service des urgences d’un hôpital de Chicago.

 

Congo (1995/1994) : Une chaîne volcanique aux confins du Zaïre et de l’Ouganda recèlerait des gisements de diamants d’une pureté inégalée. Mais les lieux sont gardés. Le film qui en fut tiré s’avère d’une facture honnête.
 
Le Monde perdu (1996/1997) : Crichton a écrit cette suite de Jurassic Park dans l’optique d’une nouvelle adaptation au cinéma. Il s’agit également d’un hommage au roman éponyme de Conan Doyle, au sujet semblable.
 
Twister (1996) : Eh oui, Crichton a co-écrit avec son épouse le scénario du décoiffant blockbuster de Jan de Bont.

Les Mangeurs de morts (1996/1999) : Adapté au cinéma par John Mc Tiernan sous le titre Le 13ème guerrier, ce roman conte l’aventure d’un noble arabe envoyé en exil en Scandinavie au 10ème siècle. Histoire vraie, choc des cultures que Crichton a trouvé dans des écrits anciens.
Voyages (1998) : Crichton assume ses penchants “New Age” et raconte dans cet essai sa quête du monde de l’au-delà et ses expériences paranormales.
Turbulences (1999) : Basé sur plusieurs faits réels, ce roman conte une catastrophe aérienne due à des turbulences d’une violence extrême, et qui aura des répercussions sur des tractations économiques avec la Chine.

Prisonniers du temps (2001/2002) : Trois jeunes historiens se plongent dans la théorie des quanta. A l’aide de cette technologie, ils vont voyager dans le temps. Ils se transportent dans la Dordogne médiévale et y trouvent tout autre chose que ce qu’ils y attendaient. Le film de Richard Donner est un authentique nanar.

La Proie (2002) : La bioéthique est au coeur du débat public. S’emparant du thème des nanomachines et du génie génétique, Crichton prouve encore une fois qu’il est en phase avec son temps, mais aussi qu’il est un excellent conteur d’histoires.

Spooky.

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Publié le par Ansible
Publié dans : #Personnalités

Nota : Nicolas Stanzick étant intarissable, son interview a dû être rallongée, et donc coupée en deux parties. Vous trouverez la première partie ici.


Le vampirisme semble un domaine imaginaire sans limites, alors qu’il est arrivé tardivement en France. C’est pourtant la Hammer qui a sublimé le sujet avec ses multiples adaptations de Dracula. Peut-être y en a-t-il trop eu, non ?

 

Evidemment, un chef d’œuvre comme Le Cauchemar de Dracula n’a pas grand-chose à voir avoir avec sa lointaine et médiocre suite Dracula vit toujours à Londres. Mais c’est la loi du genre. Lorsqu’on observe l’histoire du cinéma fantastique, et en particulier les films de vampire, on s’aperçoit qu’il y a toujours un film qui fait date, puis des suites de moins en moins intéressantes : petit à petit le mythe se vide de sa substance, jusqu’à ce qu’un nouveau film reprenne les choses à la base, les réinvente, les réactualise. Ça a été le cas des Dracula de chez Universal ; le plus beau c’est bien évidemment celui de Tod Browning, tandis que dans Abbott et Costello contre Frankenstein, Bela Lugosi reprend à nouveau son rôle titre sous une forme quelque peu désincarnée. Douze ou treize ans plus tard, la Hammer régénère complètement le mythe en lui imposant une nouvelle iconographie avec Le Cauchemar de Dracula… Etc. Jean Boullet a parfaitement résumé le phénomène dans le n°1 de Midi-Minuit fantastique un célèbre article intitulé Terence Fisher ou la permanence des mythes. Je l’ai déjà dit, la grande force de Terence Fisher par rapport au mythe du vampire, c’est d’avoir pris à bras le corps la dimension érotique de Dracula. Il n’y a pas un plan, dans le film de Fisher, qui ne soit au service de ce questionnement, rien n’est gratuit. Le moindre élément de montage, la moindre transition servent ce propos-là. A l’heure actuelle le mythe se réinvente toujours. Coppola a réussi un film somme avec son Dracula en 1992. C’est un film qui fête à la fois le centenaire du cinématographe (1995) et celui du livre de Stoker (1897) : le comte vampire y apparait comme une métaphore du cinéma qui vampirise le réel pour en projeter un double sur l’écran et le film s’assume donc comme une histoire du cinéma, comme une histoire du mythe de Dracula pendant cent ans d’existence du septième art. Depuis, avec Dracula ou les pages tirées du journal d’une vierge, Guy Maddin a proposé une nouvelle version du mythe, féministe de manière inattendue et passionnante, en suggérant que Dracula n’existerait peut-être que dans le songe des femmes sous forme de fantasme. Bref, on n’en a pas fini avec Dracula et les vampires au cinéma….

 

 

La Hammer a cessé ses activités cinéma en 1979, mais elle vient d’être rachetée par Endemol, célèbre société de divertissement qui est le leader de la télé-réalité. Quel est ton sentiment sur ce retour ?

 

Il y a d’abord une crainte, puisque cela s’inscrit dans une  tendance actuelle qui voit tous les objets contre culturels de naguère se faire récupérer. Et puis Endemol, c’est quand même tout l’opposé de ce que fut la Hammer dans les années 60 : pas de subversion chez eux, juste une production qui relève de la culture de masse dans ce qu’elle a de moins excitant. Cela dit, il y a tout de même un point commun entre les deux : Télérama condamne aujourd’hui Endemol d’une manière aussi définitive que la Hammer hier…[rires] La manière optimiste de voir les choses serait de regarder leur première nouvelle production, Beyond the Rave, qui a défaut d’être un chef-d’œuvre ni même un bon film témoigne d’une identité Hammer, qui reste extrêmement identifiable aux yeux du public et des professionnels des medias d’aujourd’hui. Car Beyond the rave, c’est ni plus ni moins qu’une histoire de vampire anglais sur un scénario qui manifeste une même volonté de remise au gout du jour que Dracula 73 il y a 35 ans. C’est vrai que Dracula 73 ce n’était pas une grande réussite cela dit… […] Si dans les années à venir, l’identité Hammer est respectée, si – soyons utopistes – elle se réactualise sans se renier, et bien pourquoi pas ? Peut-être que de bonnes choses peuvent naitre de cela. Après tout, ce n’est sans doute pas l’intérêt commercial d’Endemol que de casser le « joujou » Hammer : peut-être y a-t-il des exécutifs intelligents en son sein qui sauront éviter de mauvaises décisions. Donc, ne condamnons pas par avance ces nouvelles productions. Essayons de leur donner leur chance en ayant à l’esprit que le miracle Hammer, cette historique rencontre entre un grand auteur de cinéma, Terence Fisher, de très grands acteurs, Peter Cushing et Christopher Lee, une équipe technique brillantissime, Jack Asher, James Bernard, Anthony Hinds, Roy Asthon ou Bernard Robinson, le tout dans cette époque charnière des années soixante où avant-garde et culture populaire se nourrissaient mutuellement et s’entremêlaient parfois, a très peu de chance de se reproduire. Tel Dracula, la Hammer renaît aujourd’hui de ses cendres et ce seul évènement est en soit bien sympathique…

 

As-tu vu tous les épisodes sortis jusqu’à présent ?

 

Je n’en ai vu que le début, mais je préfère attendre que le DVD  sorte, ce qui devrait survenir sous peu, pour le regarder dans de bonnes conditions. Voir une série sur MySpace, c’est intéressant du point de vue marketing, mais j’ai envie de le voir plus confortablement. Cela dit, bonne nouvelle, j’ai entendu dire récemment que la Hammer s’apprête à produire un deuxième long-métrage, qui devrait avoir droit à une vraie distribution en salles. Il s’agirait d’un film fantastique, mais je n’en sais pas plus.

 

Tu penses qu’il y aura d’autres films ?

 

A priori oui, le côté rassurant dans le fait qu’Endemol soit derrière la Hammer, c’est qu’ils ont de gros moyens financiers. Donc ils peuvent produire des choses. Après, marchera, marchera pas, on verra, je n’en ai strictement aucune idée.

 

Aujourd’hui, pour toi, quels artistes semblent prolonger l’esprit de la Hammer ?

 

Très honnêtement, c’est un peu comme si on se posait la question d’une descendance de John Ford… C’est un cinéma qui s’est imposé partout. Tout le cinéma contemporain, à un moment donné, doit quelque chose à la Hammer. Les films de Fisher, Gilling, Sharp et consorts ont vraiment constitué un palier nouveau dans la représentation graphique de l’horreur, de l’érotisme à l’écran. Mieux : ils constituent une anthologie de classiques qui ont renouvelé tous les mythes classiques sur lesquels le cinéma fantastique s’est toujours épanoui et c’est fort de cet acquis que le genre a pu explorer d’autres territoires durant les années 70 et 80. Prenons le cas par exemple d’un Romero qui a priori incarne une rupture vis-à-vis de la Hammer en 1968 avec La Nuit des Morts-vivants. Il me semble que son Dawn of the Dead doit en réalité beaucoup au travail de Fisher et notamment à son film-testament, Frankenstein et le monstre de l’enfer : les scènes de carnages cannibales qui ont fait la gloire de Romero semblent tout droit découler de l’extraordinaire séquence de dépeçage du monstre par la foule des aliénés qui conclue l’ultime opus fisherien. Il me semble même que Day of the Dead est à la fois un hommage explicite aux Frankenstein de la Universal, notamment à cause de Bub le sympathique zombie, mais aussi à ceux de Fisher, à cause du Dr Loomis : à l’instar du baron interprété par Peter Cushing, ce personnage  surnommé « Frankenstein » dans le film, fait preuve de la même atrophie du sentiment moral devant l’horreur de ses expériences. A la limite, même avant la rupture Romero il n’est pas absurde de penser que les carrières de Bava, Corman ou Franco auraient pu prendre des tournures très différentes sans l’irruption de la Hammer. Sans Fisher, on aurait peut-être pas eu droit aux délires gothiques de Bava avec ses violentes et oniriques couleurs baroques, et donc sans doute aurions-nous aussi été privé d’Argento ! Voilà le premier élément de réponse, le plus évident, quant à l’influence contemporaine de la Hammer. Il existe d’autre part aujourd’hui un cinéma de genre que l’on peut qualifier de post-moderne,  né au détour des années 70 avec Star Wars, et qui à sa manière a largement fait revivre la Hammer à l’écran ces dernières années. C’est par exemple le cas d’un Tim Burton qui dans des films comme Sleepy Hollow ou Sweeny Tod, nous offre bien davantage qu’une vaine collection de citations de ses films gothiques préférés : il réinvestit et projette sur l’écran ses émotions cinéphiles fondatrices, le souvenir de sa découverte du Cauchemar de Dracula, du Chien des Baskerville, de La Gorgone mais aussi Bava, Corman etc. C’est une tendance dans laquelle s’inscrit également Tarantino ou Rodriguez avec Leone en ligne de mire et qui consiste à dire : « le genre est mort, il ne nous reste donc plus qu’à filmer les émotions qu’il a jadis suscité en nous ». Naturellement, si une certaine économie de cinéma est effectivement morte – celle du cinéma bis à laquelle appartenait la Hammer – le genre ne meurt jamais vraiment et des gens comme Tim Burton, Quentin Tarantino ou Edgard Wright contribuent en réalité à le réinventer de manière toute personnelle. Pour moi Sweeny Tod est un authentique chef d’œuvre qui parvient ainsi à faire revivre tout ce pan de cinéma incarné par la Hammer. En France, Christophe Gans a tenté quelque chose du même ordre avec Le Pacte des loups, à ceci près qu’il a ajouté à son introspection cinéphile une réflexion plus intellectualisante sur le rapport de la France au fantastique. En gros, en s’attaquant à un mythe français, celui de la bête du Gévaudan, il s’amuse à fantasmer ce qu’aurait pu donner l’équivalent de la Hammer sur le territoire français, si une telle maison de production avait existé ici. Au-delà de l’influence pour le seul genre fantastique, il me semble que les grands classiques du studio se sont aussi imposés de manière plus universelle. Là il faut faire un distinguo entre l’auteur Fisher et le label Hammer. Prenons quelqu’un comme Scorsese : je crois très sincèrement que sa manière de filmer le sang doit quelque chose à Fisher. Dans Les Infiltrés, j’ai été frappé par cette séquence où l’on voit revenir Nicholson d’une arrière boutique où il vient de torturer quelqu’un, les mains couvertes de sang : on croirait presque voir  le sinistre Van Helsing incarné par Cushing, les mains également salies par la mise à mort de quelques vampires… Il me semble que Scorsese emprunte ici à Fisher son esthétique sanglante métaphysique si personnelle et identifiable. De même, je n’exclus pas que son Temps de l’innocence ne doive quelque chose au travail sur les costumes et la reconstitution historique des meilleurs Fisher. D’une manière générale, la plupart des Fisher gothiques sont des chefs d’œuvres qui appartiennent aujourd’hui à la mémoire collective. C’est un cinéma qui s’est imposé et c’est par exemple dans cette perspective qu’il faut comprendre toutes les multiples citations de la Hammer dans le dernier Star Wars : Lucas ambitionne en bon disciple de Joseph Campbell de faire fusionner toutes les grandes mythologies du monde en un « mono-mythe » et tente pour cela une grande synthèse de tous les genres du cinéma et de toutes les cinématographies du monde. Lorsque dans l’épisode III vient le moment de questionner le rapport du héros à la mort, naturellement sont invoqués à travers la figure d’Anakin/Vador les mythes de Dracula (la survie blasphématoire), de Frankenstein (une créature de l’empereur), de Jekyll et Hyde (la schizophrénie du personnage) et les emprunts à Fisher pullulent comme autant d’images qui appartiennent désormais à l’imaginaire collectif : Vador pleurant face à la lave, comme jadis pleurait Léon le loup-garou sur son humanité perdu, Anakin brulé vif dans une gestuelle toute droit sorti du Cauchemar de Dracula etc… Le recours à Peter Cushing et Dave Prowse dans la première trilogie ou à Christopher Lee dans la deuxième ne doit rien au hasard dans cette perspective. Fisher a été célébré l’année dernière dans cette institution qu’est la Cinémathèque française et pour reprendre l’expression de Noël Simsolo, il est désormais « un cinéaste qui arrive tôt ou tard dans le patrimoine cinématographique des gens de moins de cinquante ans qui font des films intéressants aujourd’hui ».

 

Dans le genre fantastique, quel est ton sujet de prédilection ?

 

Mon péché mignon de jeunesse, c’est bien évidement les vampires. Je suis toujours très curieux de voir les films qui sortent dans ce genre. Mon initiation au cinéma fut faite par le biais des vampires. Quand on s’intéresse à ça quand on est jeune, c’est une manière de découvrir à la fois la série B avec Terence Fisher, mais aussi de découvrir le cinéma lui-même avec Murnau, le côté classique avec Tod Browning, le cinéma d’auteur allemand avec Werner Herzog, la nouvelle vague européenne avec Roman Polanski… Si on prend la thématique du vampire, on pourrait presque faire une histoire du cinéma mondial à partir de cette figure. Cela nous amène à toutes les cinématographies du monde : l’Amérique du Nord, l’Espagne, le Mexique, le Japon, l’Europe centrale, la Russie… Tous les types de cinéma également, la série B, le cinéma d’auteur. Je me suis intéressé à cette figure-là, mais je ne me suis pas cantonné qu’au cinéma fantastique, je suis passionné par le cinéma dans son ensemble. J’adore Fritz Lang, Billy Wilder, Woody Allen, les frères Coen, Eastwood, Cronenberg, Lynch,  toutes sortes de cinéastes différents. Par contre, au sein du cinéma fantastique, plus ça va plus j’ai un goût pour le gore, en fait. Plus jeune, j’ai dû être marqué par certaines lectures de Télérama que mes parents achetaient. J’ai été marqué par ce réflexe critique puritain qui met d’un côté les films intelligents parce qu’ils se contentent de suggérer, et de l’autre les productions dénuées d’intérêt parce qu’elles montrent le sang à l’écran. En réalité la dichotomie ne se situe pas là. Le cinéma, ce n’est pas le réel, ce n’est qu’une image, et l’image se charge toujours de signes. Le sang à l’écran est intéressant dès lors qu’il est un signe. Le gore au cinéma a crée une esthétique. Chez Fisher le sang renvoie à la métaphysique, chez Dario Argento le gore sert la représentation de la fantasmatique du tueur, chez Romero les carnages cannibales renvoient à des questionnements politiques.... Et au-delà il y a quelque chose d’extrêmement jubilatoire, de totalement transgressif et libérateur dans le spectacle du sang qui coule à l’écran. C’est l’un des aspects extraordinairement beaux et réussis de Sweeney Todd, de Tim Burton : quel plaisir de voir les gorges tranchées et les corps tombés avec fracas contre le pavé de la cave du barbier diabolique !... [rires] On est tous régis par les figures d’Eros et Thanatos tapis au fond de notre inconscient. Le cinéma gore répond à nos pulsions de manière ludique et nous enrichis parce qu’il nous confronte à notre part d’ombre. C’est une chose qu’ont toujours détesté les moralisateurs, notamment chez la Hammer il y a cinquante ans : un cinéma qui nous révèle notre propre dualité, quelle horreur ! Au final, il n’y a rien de malsain ou de dégradant en soit dans le cinéma gore. Il ne s’agit que d’art, de représentation, d’esthétique. Ces films-là n’ont jamais incité au meurtre. C’est plutôt parce qu’il y a des meurtriers que ces films existent.

 

En-dehors du cinéma, tu as d’autres loisirs ? Des lectures peut-être ?

 

Je lis beaucoup de livres sur le cinéma ces derniers temps. Mon autre grande passion parallèlement au cinéma est la musique. Je suis musicien depuis longtemps, je suis dans un groupe de rock n’ roll, et pour moi il y a un vrai lien entre ce qui relève de la culture rock n’ roll et celle du cinéma bis, de la série B. J’ai par exemple découvert les Stones vers la fin de l’enfance, en même temps que les films de la Hammer. Pour moi Mick Jagger, Keith Richards ou Johnny Rotten étaient des figures subversives au même titre que Dracula et Frankenstein. Des monstres sacrés qui participaient d’une même culture anglo-saxonne, parfois même typiquement anglaise, et ce sont toujours des influences aujourd’hui. Avec mon groupe, Ultrazeen – on vient de sortir un nouveau disque début juillet –  nous faisons régulièrement nos entrées de scène sur le générique du célèbre Django de Sergio Corbucci, célèbre western spaghetti. On vient d’écrire un morceau qui s’intitule Wolverine, en hommage au personnage du comics éponyme et des X-Men. Il va d’ailleurs avoir droit à son propre film en 2009. Bref, tout cela fait partie d’un tout.

 

As-tu d’autres projets ?

 

J’aimerais bien écrire un second bouquin, j’hésite encore sur le sujet. J’aimerais bien continuer sur le cinéma fantastique des sixties, le gothique italien ou les productions de Corman… Il y a encore un vide éditorial en France à ce niveau-là. Pourquoi pas  également sortir de la série B et aller carrément vers Star Wars : il y aurait une fabuleuse étude de réception à faire sur le sujet, avec le point de vue de deux générations antagonistes sur deux trilogies produites à 20 ans d’intervalles, deux trilogies qui elles-mêmes ne cessent d’interroger la notion de point de vue chez leurs héros… J’ai en tête un gros projet la dessus. J’ai aussi de projets de radio et de fiction… We’ll see.

 

Quel est le prochain film fantastique que tu vas aller voir au cinéma, ou que tu vas regarder chez toi ?

 

Je viens de récupérer Caltiki - le monstre immortel, co-réalisé par Riccardo Freda et Mario Bava. Je vais peut-être le regarder ce soir. Ou alors Doriana Gray, de Jess Franco, que je n’ai jamais vu. C’est un film fantastique qui tire vers le porno expérimental. Je suis dans une période Jess Franco depuis la rétrospective qui a eu lieu récemment à la Cinémathèque française. Je me suis vraiment pris d’affection pour son cinéma.

 

Sur le web on trouve tes interventions sous le pseudo de Kurt Menliff. Ta préférence va vers le corps ou le fouet ?

Le corps ou le fouet dis-tu ? Mais l'un ne va pas sans l'autre !...


Merci Nicolas.

De rien.

 


Je vous invite à aller faire un tour sur la page MySpace de l'ouvrage de Nicolas.


Nicolas Stanzick


(1) professeur, écrivain, orateur et anthropologue américain, célèbre pour son travail dans les domaines de la mythologie comparée et de la religion comparée et notamment pour sa théorie du monomythe. George Lucas dit s’être largement inspiré de son ouvrage célèbre Le Héros aux mille et un visages (The Hero with a Thousand Faces), paru en français sous le titre de Les Héros sont éternels pour écrire Star Wars.


(2) Réalisateur, scénariste et romancier français.


Interview réalisée par Spooky.

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Publié le par Ansible
Publié dans : #Films


Neil Marshall avait plus ou moins pris le leadership du cinéma britannique fantastique (après Danny Boyle et son impérissable 28 jours plus tard) avec Dog Soldiers, sympathique film d'action mêlant histoire de loups-garous et soldatesque, mais aussi et surtout The Descent, qui a fait remonter le taux de claustrophobie chez pas mal d'amateurs de gore et de spéléologie (oui, ça existe).
Son dernier film en date, Doomsday, s'attaque au genre du post-apocalyptique, genre bien balisé par Mad Max et New York 1997. Le pitch est simple : en 2010, un virus décime très rapidement la population de l'Ecosse. Les autorités de l'époque décident d'isoler complètement les foyers d'infection et les éventuels malades sur cette partie nord de la plus grande île britannique, rétablissant et renforçant le Mur d'Hadrien, fortication romaine qui marquait la limite entre l'Ecosse et l'Angleterre. La région retourne rapidement au chaos, jusqu'au cannibalisme. Le gouvernement britannique croit avoir éradiqué le virus, faute de proies, au bout d'une vingtaine d'années, mais les observations d'un satellite espion révèlent la vérité : il y a des survivants ! Peu de temps après le virus apparaît en plein coeur de Londres, faisant craindre le pire. On envoie alors un petit groupe d'intervention vers Glasgow, afin de retrouver le Professeur Kane, qui menait des recherches sur le virus avant de se retrouver coincé du mauvais côté. Le groupe est dirigé par Eden Sinclair (Rhona Mitra, qui à part des seconds rôles dans Hollow Man et Le Nombre 23, compte comme haut fait d'arme d'avoir été la première incarnation en chair et en os de Lara Croft), qui a elle-même été sauvée de justesse de la contagion 25 ans plus tôt. Une fois arrivé sur place, le commando se rend compte que la réalité est bien plus complexe...

Le début du film est intéressant, posé, Neil Marshall joue son John Carpenter avec application, allant jusqu'à copier des plans entiers, des costumes et même des scores musicaux de Big John. Il y a même une petite critique du pouvoir, et de son hypocrisie. On voit que c'est une super-production, les moyens (costumes, décors, engins) sont là. Et peu après le passage du commando de l'autre côté, ça vire au grand n'importe quoi. Le chef des hippies cannibales qui disputent la suprématie régionale à Kane est une espèce de rock-star, qui célèbre la dégustation de la chair humaine lors de grands shows pyrotechniques, avec Fine Young Cannibals (le choix du groupe n'est évidemment pas innocent) en fond musical, les méchants se déplacent à moto ou en voitures dont on se demande comment elles peuvent être ravitaillées en carburant au bout de 25 ans de blocus absolu... Pire, la faction de Kane est carrément retournée à l'état féodal, l'exécuteur de ses basses oeuvres étant un chevalier tout caparaçonné de noir. C'est limite pitoyable tellement c'en est grotesque. Les routes sont dégagées, les voies de chemin de fer aussi, bref les sauvages qui ont été jusqu'à s'entre-dévorer ont réusi à conserver l'électricité et l'essence et à entretenir les infrastructures. Et bien sûr, une voiture qui est restée au garage depuis la fermeture des frontières est en parfait état de marche, avec le plein d'essence !





C'est vraiment dommage que Neil Marshall mange à tous les râteliers pour écrire son film : New York 1997, Mad Max, les emprunts sont nombreux sur ces deux films-références. Le morceau musical qui conclut le film est, lui, directement pompé sur celui de 28 jours plus tard... C'est un beau gâchis. Marshall aurait pu faire un film certes dans un genre largement balisé, mais avec sa propre voix, sa propre identité. Les acteurs ne sont pas mauvais (on notera la présence des vétérans Bob Hoskins et Malcolm Mc Dowell), ce n'est pas mal filmé, mais décidément c'est trop pompé, et malheureusement ça part dans tous les sens dès la deuxième bobine... Où est passé le scénariste-réalisateur inspiré comme c'est pas possible qui nous fout les jetons sur The Descent ? Où sont passés tous les moutons ? Les gens les ont mangé en méchouis géants, me répondrez-vous. Dans ce cas-là, pourquoi y'a-t-il des milliers de vaches en liberté ?

Spooky.

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Publié le par Ansible
Publié dans : #Personnalités


Quel est le point commun entre les vampires, Star Wars et Martin Scorsese ? La Hammer, comme va nous le démontrer Nicolas Stanzick, journaliste spécialisé qui vient de sortir un ouvrage sur cette célèbre firme cinématographique.

Bonjour Nicolas, peux-tu te présenter en quelques mots ?

 

Nicolas Stanzick : Je suis né à Poitiers, en 1978. J’ai grandi là-bas, et ne suis parti qu’à 20 ans pour poursuivre mes études d’histoire à Paris I Panthéon-Sorbonne. Je suis guitariste dans un groupe de rock’n’roll, Ultrazeen, et j’écris à l’Ecran fantastique. Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours eu une passion pour le cinéma, en particulier fantastique. Je crois que tout a commencé lorsque j’ai découvert à l’âge de cinq ans Le Retour du Jedi, en 1983. Une séquence m’avait vraiment fasciné, celle où Darth Vader enlève son masque et révélait son visage d’homme. C’est sans doute là que j’ai été séduit par l’un des fondements du fantastique au cinéma, la figure du double. Toute la cinématographie de Terence Fisher, par exemple, est fondée sur cette notion : Dracula a deux visages, celui de l’aristocrate racé jusqu’au bout des ongles, et celui de la bête fauve entièrement régi par ses pulsions. Bien sûr, je n’ai pas compris cela en des termes aussi intellectualisés à l’époque, c’était un choc esthétique plus qu’autre chose. Par la suite, l’autre évènement fondateur de ma cinéphilie a pris la forme d’une vision manquée. C’était en 1985, Le Cauchemar de Dracula est passé à la Dernière séance, l’émission d’Eddy Mitchell, en deuxième partie de soirée. J’avais vu des photos sur le journal télé, et j’avais absolument envie de voir ça. Evidemment mes parents me l’ont formellement interdit [rires] : c’était trop tard, c’était un film d’horreur, ce n’était pas pour les enfants… Hors de question que je voie ça ! De cette frustration est née ma passion pour les films de vampires. Je voulais tous les voir, et principalement ceux avec Christopher Lee dans le rôle de Dracula. Toutes les semaines, je guettais, dans le journal télé, la diffusion d’un de ces films. Ce qui n’arrivait quasiment jamais, bien sûr : le fantastique, ce n’était pas trop la tasse de thé des chaînes hertziennes de l’époque. J’ai dû attendre jusqu’en 1987 pour voir mon premier Dracula, avec Christopher Lee. C’était Dracula Prince des ténèbres. Si le film avais été mauvais, je l’aurais néanmoins aimé tant j’avais attendu ce moment. Comme il était bon, ce fut une vraie révélation, le vrai déclencheur d’une cinéphilie qui m’a mené à m’intéresser à la Hammer dans son ensemble, mais aussi à l’expressionnisme allemand, l’épouvante hollywoodienne classique, au fantastique moderne, à Lynch, Cronenberg, Carpenter et au cinéma en général. 

 

Nous parlons aujourd’hui de l’ouvrage que tu viens de sortir aux Editions Scali, Dans les Griffes de la Hammer. Comment en es-tu venu à t’intéresser à cette firme cinématographique ?

 

Il y a deux éléments d’explication : d’une part ce qui s’est passé dans mon enfance, dont je viens de te parler, et d’autre part mon parcours universitaire. J’ai fait des études d’histoire, mais très rapidement, j’ai cherché à travailler sur le cinéma. Par exemple, en UV d’histoire contemporaine, si on avait un travail à faire sur le fascisme, je me débrouillais pour faire un truc sur le cinéma nazi. Quand est arrivée la maîtrise, donc le moment où il me fallait opter pour un sujet de recherche, la Hammer s’est très rapidement imposé. Je voulais travailler sur le fantastique, je connaissais déjà bien ce pan de l’histoire du genre et le cycle Hammer était en tout point un objet idéal pour l’historien : c’est un corpus qui représente 20 ans de cinéma et qui, idéologiquement, économiquement, esthétiquement est extrêmement cohérent. Comment traiter un tel sujet en histoire ? J’ai choisi un angle totalement inédit, celui des gens qui ont aimé ou non – les deux regards m’intéressaient –  ce cinéma, qui l’ont découvert en France dans les années 1960. Bref, c’était une manière d’écrire une histoire culturelle du fantastique en France. Cette démarche me semblait prometteuse. Très vite, au bout d’un mois ou deux de recherches, je me suis rendu compte que ce parti pris allait être beaucoup plus payant que je ne l’avais imaginé. Car en France, c’est vraiment avec la vague de la Hammer Films que la cinéphilie du fantastique a débuté, c’est vraiment avec cette nouvelle galerie de monstre en technicolor que le grand public et la critique dans son ensemble s’est initié au genre. Voilà comment je me suis retrouvé à écrire cette histoire française de la Hammer. En réalité, dès la période universitaire, j’avais déjà en tête d’en faire un livre et cette idée me tenait très à cœur. Car au-delà de mon intérêt intellectuel pour le sujet, il y avait aussi quelque chose de très personnel dans ma démarche. Ecrire une histoire française de la Hammer lorsqu’on est soit même cinéphile, amateur de fantastique et amoureux  du studio londonien, c’est aussi interroger ses propres passions, son propre parcours. D’où viens-je ? Où vais-je ? Dans quel état j’ère ? [rires]…

 

Ton livre semble combler un manque au niveau éditorial. As-tu cependant eu des lectures particulières pour le préparer ?

 

Pour être précis, j’ai passé deux années entières à faire des recherches avant d’écrire la moindre ligne. Ce fut le gros du travail. Je me suis rendu en bibliothèque pour retrouver tout ce qui avait été écrit sur la Hammer à l’époque de sortie des films. Je m’attachais à faire l’histoire de la Hammer en France, il était donc vital pour moi de retrouver les traces de cette histoire. J’ai épluché toutes les revues de cinéma de l’époque de la manière la plus exhaustive possible : Les Cahiers du cinéma, Positif, Cinéma, Ecran, La Revue de cinéma… Mais aussi et surtout Midi-minuit fantastique, la première revue traitant de cinéma fantastique en Europe. A côté de ça, il y avait les livres sortis à l’époque, ceux de Gérard Lenne, Jean-Marie Sabatier, Jean-Pierre Bouyxou. C’étaient des pionniers. Avant l’apparition de la Hammer sur les écrans, il n’y avait absolument rien. Il y avait certes quelques cinéphiles, comme Jean Boulet, qui avaient vu des films Universal dans les années 1930, qui écrivaient à partir de leurs souvenirs dans d’obscures publications, mais c’était tout. Le cinéma fantastique était d’ailleurs considéré au mieux comme infantile, au pire comme « une école de perversion » qui allait créer des « générations de détraqués ». C’est texto ce qu’écrivait l’ancêtre de Télérama, Radio-Cinéma-Télévision, à la sortie du Cauchemar de Dracula en 1959.

 

 

Pourquoi avoir intégré une moitié d’interviews dans ton ouvrage, et ne pas en avoir fait un essai classique ?

 

En fait, les entretiens viennent s’ajouter à ce que tu appelles « l’essai classique » qui occupent les 200 premières pages du livre. Outre les sources de presse que je mentionnais à l’instant,  les chiffres du box-office que je suis allé retrouver au CNC, les affiches françaises d’époque et les pavés de presse, j’ai mis un point d’honneur à constituer moi-même de nouvelles sources en  recueillant les témoignages des acteurs de cette histoire française de la Hammer : critiques, fondateurs de revue et de festivals, cinéphiles, amateurs de bis… Au-delà de leur très précieuse utilité pour le texte que j’écrivais, je me suis vite rendu compte que tous ces entretiens constituaient quelque chose d’absolument passionnant en tant que tel, de parfaitement complémentaire avec mon texte. La cinéphilie est une passion pleine de contradictions : elle cherche à se constituer en communauté tout en se nourrissant d’émotions intimes qu’elle ne partage finalement pas si facilement. Retranscrire ces témoignages dans leur intégralité, c’était rendre tangible la dimension sensible, humaine, de cette histoire de la Hammer. Mieux : pour une cinéphilie qui se distingue par son gout des mythes, c’était mettre en avant tout une tradition orale qui est aussi le propre de la fantasticophilie. Ecouter Simsolo raconter s’être battu héroïquement à mains nues pour Fisher dans des ciné-clubs récalcitrants, Lemaire délirer sur ses souvenirs du Brady ou Romer fantasmer les incessantes allers et venues des spectateurs du Midi-Minuit comme de fantomatiques apparitions, ce n’est pas autre chose : même si ces anecdotes sont parfaitement fondées, elles finissent par participer d’une véritable mythologie cinéphile dans leur propos.

 

Tu n’interroges que des intervenants francophones dans ton ouvrage. Est-ce un parti-pris ? Un hasard ? Une obligation ?

 

C’est un total parti pris. La question sous-jacente de tout l’ouvrage était de comprendre la nature de cette étrange relation qui unit la France et le fantastique. Pourquoi le genre a-t-il été aussi longtemps diabolisé, alors même que c’est ici que fut inventé le cinéma fantastique avec les féeries macabres de Méliès ? Pourquoi l’avènement d’une cinéphilie fantastique n’a-t-il eu lieu que sur le tard, avec la Hammer, alors que des épisodes aussi marquants que le surréalisme, Cocteau, ou les films fantastiques de l’occupation auraient pu jouer un rôle similaire bien plus tôt ? Pourquoi peine-t-on à avoir un genre fantastique domestique ? Exemple symptomatique, en réponse à la Hammer, il y a en Italie tout un mouvement porté par Mario Bava, Riccardo Freda et Antonio Margheretti… Aux Etats-Unis, la réponse ce fut Roger Corman et tout ce qui s’en suivit à l’AIP. Les espagnols ont eu droit à Jess Franco dans les années 1960, Paul Naschy et Armando de Ossorio un peu plus tard… En France, Georges Franju fait avec Les Yeux sans visage en 1960, l’un des plus beaux films fantastiques de tous les temps, un chef d’œuvre absolu : pourtant le film ne lancera strictement aucun mouvement et restera une sorte de prototype de ce qu’aurait pu être le genre ici. Bref, la singularité du rapport français au fantastique, c’est une vraie question.

 

Et tu as trouvé une réponse à cette question ?

Il y a toujours eu, dans notre pays, cette idée que l’auteur était plus important que le genre. Or on a longtemps pensé que le genre fantastique, précisément, était incapable de fournir des auteurs. Certes dans les années 50, les tenants de la politique des auteurs qui œuvraient dans aux Cahiers du cinéma, Godard, Truffaut and co, ont choisi leurs auteurs favoris dans un cinéma commercial américain a priori impropre à en fournir : c’étaient Ford, Hawks, Hitchcock, Sirk, bref les rois du western, du film noir, du film à suspense ou du mélodrame. C’était une sorte de réflexe de dandy typique de la cinéphilie française et qui consiste en un processus d’intellectualisation du trivial. Les cinéphiles fantastiques n’ont d’ailleurs pas fait autre chose la décennie suivante, lorsqu’ils ont désigné Fisher comme leur emblème avec le numéro Un de la revue Midi-Minuit Fantastique. Mais avant cette date, il y a une telle inculture du genre fantastique en France, que tout le monde considère que ses codes sont trop contraignants pour laisser la moindre sensibilité d’auteur s’exprimer. Ce n’est pas du tout un hasard si les fondateurs de Midi-Minuit Fantastique ont défendu la singularité fisherienne : Michel Caen son plus fervent supporter avait vu les classiques de la Universal, adolescent à la télévision américaine. Il mesurait donc toute l’originalité du cinéaste anglais. Ça a été le début d’une vraie « bataille d’Hernani » autour de cette notion de genre, avec d’un côté la jeune cinéphilie fantastique emmenée par Midi-Minuit Fantastique et de l’autre un large front commun qui condamnait violemment ce « spectacle malsain et dégradant ». Les premiers ont crée une communauté de regard autour de ces films en sublimant la transgression esthétique que constituait le subtil alliage de sexe et de sang propre à la Hammer. Ils défendaient cette vision des choses dans des textes d’une redoutable intelligence subversive, souvent héritée d’une tradition surréaliste érotomane, anti-bourgeoise, athée et anarchisante. Ce n’est vraiment pas un hasard si la production Hammer leur a servi en  quelque sorte d’emblème. Ces films prenaient un malin plaisir à mettre en scène des monstres qui mettaient à mal les valeurs de la société victorienne, valeurs qui pour une part étaient toujours d’actualité avant 1968. Dracula, dans Le Cauchemar de Dracula, est un formidable révélateur de la phobie sexuelle victorienne. C’est le monstre qui réalise les fantasmes des jeunes filles esseulées, et en même temps il incarne la toute-puissance érotique à laquelle tout homme rêve de s’identifier, mais que la morale commune se doit de combattre. A la fin du film, Dracula se cache dans la cave de la famille bourgeoise à laquelle il s’attaque, très subtile manière de signifier que le vers est dans le fruit. Le démon fait donc craqueler ce carcan bien-pensant, moral, religieux propre à l’époque. Le monstre est une figure du mal du point de vue bourgeois  et se révèle être en contre-partie une entité libératrice, émancipatrice. Mais il est également une figure maléfique à un niveau plus universel, et c’est là toute la richesse dialectique des productions Hammer : le drame de Frankenstein ou Dracula, c’est leur volonté de puissance qui les conduit au meurtre, à l’autodestruction, à la tragédie… Subversifs, audacieux, ces films n’en relevaient pas moins d’une longue tradition populaire. Et d’ailleurs la jeune cinéphilie fantastique française, toute intellectualisée et libertaire qu’elle ait pu être revendiquait très clairement son ancrage dans la culture populaire : celle de la rue, du cinéma de quartier, des boulevards… En face, la presse catholique condamnait tout cela au nom d’une atteinte à la foi : faire de Dracula un héros, hors de question ! Sur ce point Télérama était la revue la plus virulente. Quand on relit ce qu’écrivait Gilbert Salachas, on est frappé de voir à quel point il dit du mal de ces films tout en parlant très bien !... [rires] Certes il les condamne, mais il décode avec une rare maestria la signification érotique des films de Fisher : le puritanisme a toujours eu une compréhension très aigue et donc suspecte de la perversion… La presse communiste elle, accusait le cinéma d’horreur de détourner de l’horreur politique réelle du monde. Et la cinéphilie classique se cachait derrière des alibis intellectuels pour masquer ce qui en fait était une vraie gêne face au genre : d’où la création d’une étonnante catégorisation avec l’émergence de la Hammer, celle des « films infantiles pour adulte »…  Bref, c’est avec la Hammer qu’on s’est initié ici, non seulement aux grands mythes que sont Dracula Frankenstein et consorts, mais au genre en tant que tel.

 

As-tu vu tous les films produits par la firme ?

 

Non [rires]. Il y en a trop et tous ne sont pas aisément disponibles. J’ai vu en revanche tous leurs films gothiques. Mon livre se concentre sur eux pour une raison évidente : la Hammer est d’abord célèbre pour son cycle gothique, c’est ce qui identifie le studio autant pour les  amateurs que pour le grand public. Certes, on ne peut pas réduire non plus la firme à ça. Ils ont produit aussi des films de science-fiction, des films noirs, des films d’aventure, des films de pirates, des productions d’aventures préhistoriques… Pour prendre le cas de Terence Fisher, il a eu une carrière passionnante bien avant Frankenstein s’est échappé. Il a fait des films noirs tout à fait remarquables. Dès 1952, il a réalisé par exemple un film intitulé The Last Page, une histoire de chantage rondement menée. On y trouve notamment  une séquence de meurtre  qui n’a rien à envier à celle magnifique, de House by the River de Fritz Lang. Il y a encore bien des films méconnus à découvrir au sein de la Hammer.

 

Le nom de la firme est indéfectiblement lié à ceux de grands noms du genre : Terence Fisher, Bela Lugosi, Christopher Lee, Peter Cushing. C’est aussi, dans les années 1950, la naissance des franchises cinéma, telles que Dracula et Frankenstein. Penses-tu que la firme était en avance sur son temps en termes d’industrie ?

 

Alors Bela Lugosi pas vraiment. Lorsque la Hammer naît en 1935, l’un des tout premiers films qu’elle produit est un film avec Bela Lugosi : The Mistery of the Marie Celeste. Peut-être était-ce une sorte de signe prémonitoire du penchant pour le fantastique qui allait sceller l’identité de la firme 20 ans plus tard, mais pour autant la collaboration avec Lugosi en est restée à ce film méconnu. Les franchises quant à elles ont toujours existé. La Hammer a eu l’intelligence de reprendre une formule commerciale qui lui préexistait, celle  du studio Universal dans les années 1930 avec son bestiaire fantastique développé de films en films, à partir du succès de Dracula et de Frankenstein. Ces séries étaient extrêmement populaires dans les années 1930. Suite au succès retentissant de  Frankenstein s’est échappé la Hammer a donc non seulement donné une suite au film, La Revanche de Frankenstein, mais a repris chacun des monstres du bestiaire Universal : Dracula, la momie, le loup-garou, le fantôme de l’opéra, Jekyll/Hyde etc. Au-delà de cette formule commerciale, la Hammer a également repris certains codes du genre initiés de manière spontanée par les géniaux pionniers qu’étaient Tod Browning et James Whale, mais pour le reste, c’était un cinéma d’une radicale nouveauté. La première rupture évidente, c’est évidemment l’usage du Technicolor. Les productions Hammer sont les premières à penser le fantastique en couleurs. Le vrai génie ici c’est Fisher, bien qu’il ne faille pas oublier son admirable chef-opérateur Jack Asher. Par son talent de metteur en scène, sa très grande rigueur dans le traitement des mythes fantastiques, et sa constance d’un film à l’autre, Fisher s’est révélé être véritable créateur de forme. Bien qu’il s’agisse d’abord d’un cinéaste thématique – son évolution vers une totale épure le montre – il est le premier, bien avant Bava, a avoir fait un usage formaliste de la couleur, ce qui lui a permis de développer une esthétique sanglante qui était aussi transgressive pour l’époque que personnelle. Chez lui, le sang est toujours un signe qui renvoie à d’angoissantes questions métaphysiques : il symbolise la pulsion sexuelle chez Dracula, l’idée d’âme au sens philosophique du terme chez Frankenstein. Et néanmoins, ce perpétuel questionnement métaphysique débouche toujours sur l’athéisme : Dracula n’est pas en lutte contre Dieu, mais contre son représentant qui prétend agir en son nom, Van Helsing, et de même l’échec de Frankenstein vient non de dieu mais des limites du monde dans lequel il vit.  C’est pour cette raison qu’on a parlé à propos de Fisher de « matérialisme fantastique ». Et lorsque Fisher ne filme pas le sang directement, une tâche rouge se promène systématiquement à l’écran, comme une déflagration qui contraste par sa violence avec les ton pastels ou automnaux qui dominent souvent ses films : c’est tel ou tel effet d’éclairage, un détail de mobilier, un rideau, un tableau, comme le signe d’une pulsion qui sommeille en tout homme et qui contamine nécessairement son point de vue sur le monde. Ce n’est pas pour rien que la critique bien pensante à parlé « d’obscénité de la couleur » chez Fisher. Et l’on touche ici à la deuxième grande rupture vis-à-vis du cycle Universal : les films de la Hammer étaient aussi des films érotiques. Non pas parce qu’on pouvait y voir la moindre nudité (ça n’a jamais été le cas à l’exception de quelques Hammer tardifs des années 70), mais parce que la sexualité était bien souvent le vrai sujet de ces films. Prenons Dracula : certes la composante sexuelle est présente dès Murnau, dès Browning, mais chez Fisher elle n’est plus à la périphérie, elle est le sujet même du film. Pour faire court, La Cauchemar de Dracula, c’est ni plus ni moins qu’un appel à l’orgasme, à une sexualité libre, folle, qui fait fi de toutes les conventions sociales, morales ou culturelles, et Van Helsing combat très clairement le comte vampire en se vivant comme un gardien de l’ordre moral. Ce qui m’amène à la troisième rupture vis-à-vis du cycle Universal : toutes les productions Hammer avaient pour cadre une société et une période historique très précises, l’ère victorienne, tandis que chez la Universal, tout se passait dans une Transylvanie d’opérette à une époque non identifiée. La Hammer a participé d’autre part, avec quelques années d’avance sur les Beatles et les Rolling Stones à l’émergence de la Révolution pop et de la contre-culture. Bref, si l’on reprend l’histoire du cinéma fantastique, il y a d’abord eu l’âge d’or allemand des années 20 qui offrait une sorte de représentation de l’inconscient collectif, puis l’ère américaine de la Universal durant les années 30 qui s’assumait comme la représentation poétique et déréalisée d’un imaginaire fantastique, puis la génération Tourneur, Wise, Robson sous l’égide de Val Lewton qui créa un cinéma de l’indicible et de l’invisible dans la décennie suivante. Avec la Hammer à la fin des années 50, pour la première fois nous avons droit à des monstres de chair et de sang qui évoluent comme autant de forces symboliques dans un monde bien réel : le nôtre.

 

Suite dans une prochaine note.

 

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Publié le par Ansible
Publié dans : #Films

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La planète Jillucia, autrefois paisible, est devenue le théâtre de la tyrannie des Stressos ayant implanté leur forteresse par la force. En dernier recours, le chef des survivants Jilluciens s'en remet au Dieu Liabé en dispersant huit noix divines à travers l'univers qui, selon la légende, seront capables de découvrir les huis valeureux guerriers qui uniront leurs forces en vue de libérer Jillucia.

Voilà le point de départ de ce film, une sorte d'OVNI qui revient aux sources de la série San Ku Kai en nous montrant l'origine du vaisseau éponyme. Oui oui, la série nipponne terriblement kitsch des années 1970, aux conditions de tournage tellement empreintes d'amateurisme que c'en est presque attendrissant. Ici apparaît Ayato, l'intrépide pilote, qui s'amuse beaucoup avec un autre jeune chien fou. Ils sont parmi les huit "élus" que recherche la princesse Eolia pour sortir Jillucia du joug des Stressos. on retrouve tout le decorum de la série : les costumes si particuliers des Stressos, le Cosmosaure, leur massif vaisseau amiral, et bien sûr le San Ku Kai, vaisseau de transport qui en déployant ses ailes, permet de lâcher deux chasseurs ultra-rapides... Mais aussi les beaux voiliers stellaires, qui exerçaient pour moi une étrange fascination lors de la diffusion en France de la série.

Alors certes, si on est loin de l'énergie déployée au cours des 27 épisodes de la série télévisuelle, le film n'est pas désagréable à regarder, il manque un peu de souffle cependant. Comme je l'ai dit, l'ensemble des décors et des designs est là (on voit aussi le rigolo robot Sidero), mais le film est sobre, pas de jeté de capes théâtral, pas de sauts à la Power Rangers... Il est d'autant plus évident que ce film cherche à profiter du succès de Star Wars (la série avait été produite à la va-vite en 1977 au vu des images teaser du film de George Lucas), que l'on y retrouve de nombreuses similitudes : la résistance contre l'oppresseur, le jeune héros qui doit accomplir son destin, le singe jaune (qui n'apparaîtra que dans la série), le robot cylindrique débrouillard (Sidéro), les armures inspirées de celles des samouraïs... L'interprétation est proche du degré zéro, la musique au synthétiseur est immonde, mais finalement ça se laisse regarder, pendant 1h45 tout de même.

Pour le plaisir... un petit extrait ?

 
Spooky.

PS : Merci à pierig de m'avoir fourni de DVD collector...

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Publié le par Ansible
Publié dans : #Livres


En 2002 sort ce premier roman d'un enseignant britannique, et très vite Carbone modifié se fait connaître au sein du cercle des amateurs de SF. Un ancien membre des Corps diplomatiques (entendez par là un ex-super soldat) est engagé par un milliardaire pour enquêter sur... sa propre mort ! (au milliardaire) Il faut savoir que dans le futur où se déroule l'action, les personnages qui peuvent financièrement se le permettre peuvent changer de corps, passer de l'un à l'autre, pour peu que l'autre ne soit pas occupé, tout en gardant leur âme dans une pile logée à la base du cou... Mais ce qui au départ s'annonçait comme une enquête un peu étrange va l'amener sur des rivages très étranges.

On est dans le pur cyberpunk. Les personnages se connectent à tour de bras, se rencontrent sur des espaces virtuels... Mais si l'univers en lui-même n'est pas très original, ce sont les idées de Morgan qui marquent : d'abord la possibilité de changer d'"enveloppe", comme je l'indique plus haut ; un mélange des genres entre un pur polar et une toile de fond marqué SF, avec une forte dose d'adrénaline puisque les scènes d'action sont nombreuses ; et pour finir un héros plutôt intéressant, Takeshi Kovacs, à la fois baroudeur et très humain. Morgan, je l'ai dit, place beaucoup de scènes d'action dans son récit, et celles-ci sont particulièrement réussies. A côté de Kovacs, on retrouve des personnages secondaires pas piqués des vers, dont une IA (Intelligence artificielle) hôtelière particulièrement soignée.

L'histoire serait très efficace si la narration n'était pas un peu défaillante. En effet, soucieux d'enchaîner les morceaux de bravoure, Morgan en oublie parfois de poser son héros, de nous expliquer un peu ce qu'il se passe. Des personnages apparaissent, jouent un rôle important dans l'intrigue, sans qu'on comprenne pourquoi. Dommage, car Carbone modifié aurait pu devenir un classique vraiment incontournable avec ses éléments novateurs.

Spooky.

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