Voici, en video, une fin alternative au Seigneur des Anneaux...
C'est tellement évident... Je pense que tous les lecteurs du Seigneur des Anneaux se sont un jour ou l'autre posé la question...
Spooky
Tous les territoires de l'imaginaire, en vitesse supra-luminique. Chroniques sur le cinéma, la littérature, les jeux, séries TV, bandes dessinées.
Résultat pour “communauté de l'anneau”
Voici, en video, une fin alternative au Seigneur des Anneaux...
C'est tellement évident... Je pense que tous les lecteurs du Seigneur des Anneaux se sont un jour ou l'autre posé la question...
Spooky
Vingt ans après, me voilà à relire -et pour la première fois !- l'une des œuvres qui ont forgé mon imaginaire, donné envie de découvrir de nouvelles contrées et, à mon tour, modestement, de coucher sur le papier quelques petites histoires. Car si je n'ai rouvert Le Seigneur des Anneaux pendant deux décennies, l'univers fabuleux créé par Tolkien ne m'a quasiment jamais quitté. Depuis 1990, j'ai lu une partie de ses œuvres, toujours en cours de publication en France, prolongé mes visites en Terre du Milieu par des lectures analytiques (parfois en anglais), et si vous êtes un(e) fidèle lecteur/trice de ce blog, vous avez pu mesurer l'ampleur de cette passion. En gros je vous en rabats les oreilles et les mirettes :)
Il y a trois ans j'avais même pu évoluer virtuellement dans cet univers par le biais du jeu video en ligne qui porte le nom du roman. Il en est même résulté plusieurs dizaines de comptes-rendus de quêtes qui n'amusaient presque que moi. Mais je n'osais me remettre à cette lecture, pourtant si évidente. La peur d'être déçu, de ne pas trouver dans cette œuvre -pourtant élue "roman du siècle" par les universitaires anglais (oui bon)- toutes les vertus, toute la richesse qu'on lui prête, tout l'émerveillement que j'avais éprouvé à l'âge de 15 ans... Ce n'est qu'après quelques discussions avec des amis (qui se reconnaîtront) que je me suis finalement décidé. Cet article ne se veut pas une analyse complète, ni même esquissée du bouquin (il faudrait probablement rédiger une véritable encyclopédie pour cela !), mais une suite -ordonnée, je l'espère- de réflexions qui me sont venues au fil de ma lecture, enrichie par d'autres lectures exégétiques. L’occasion pour moi de relire certains de mes articles précédents et le cas échéant, de les corriger. Mais rassurez-vous, je n’ai pas cédé au syndrome Tolkien consistant à réécrire encore et toujours mes textes.
Après une lecture fade, frustrante et inutilement tarabiscotée, j'ai laissé en plan le roman de hard SF que j'avais emprunté à ma bibliothèque et me suis replongé dans La Communauté de l'Anneau, premier volet du triptyque. Pour les néophytes l'entame du roman pourrait constituer une barrière infranchissable. Tolkien y prend le temps de développer la société hobbite, du nom de ces petits êtres paisibles qui marchent pieds nus et vivent dans la Comté.
C'est à la faveur d'une fête d'anniversaire du plus fameux d'entre eux que l'histoire démarre véritablement. Car Bilbon Sacquet défraya en son temps la chronique en allant vivre des aventures échevelées hors de la Comté (ces aventures sont contées de fort belle manière dans le roman Bilbo le Hobbit, dont le ton est plus enfantin que dans Le Seigneur des Anneaux). Ce qui fit de lui un original, un fou et une légende. Lors de ses 111 ans, il disparut subitement, au propre comme au figuré, laissant son smial (un trou dans un tertre faisant office de maison hobbite) à son neveu Frodo. Mais l'héritage le plus précieux de ce dernier est plutôt un anneau en or, portant d'étranges inscriptions en runes elfiques, qui possède entre autres le pouvoir de rendre invisible celui qui le passe à son doigt. Conseillé par Gandalf, un sorcier en qui Bilbo avait toute confiance, Frodo décida de partir à son tour quelques années plus tard afin de détruire l'Anneau, dont le maléfique propriétaire vient de se réveiller au loin. Commence alors pour Frodo, accompagné de son jardinier Sam et de ses amis Merry et Pippin, la plus incroyable des aventures...
Je l'ai dit, cet univers ne m'a pas quitté depuis 20 ans. Mais en 20 ans, on oublie des choses. On oublie la traversée inquiétante de la Comté, avec de sombres cavaliers aux trousses. On oublie que les Hobbits ont failli périr dans les Hauts des Galgals, ce plateau glacial où des tertres funéraires sont hantés par des créatures aussi mystérieuses que fatales. On oublie (bien aidé par les films de Peter Jackson) tout l'épisode concernant Tom Bombadil, personnage mystérieux et champêtre que les commentateurs ont fini par ériger en parangon de la nature, de la paix et de la poésie intemporelles. Un personnage littéralement adoré par les lecteurs du roman. On oublie l'importance du Conseil d'Elrond, qui contient en germe beaucoup d'éléments propres à la terre du Milieu. Bien que située en début de roman, cette séquence tient une place centrale, névralgique. On peut y voir les relations (et donc la méconnaissance) des différentes peuplades et races, l'importance des légendes, la noblesse, innée ou acquise, de certains protagonistes. Mais aussi la possibilité pour des personnages que l'on aurait pu penser mineurs, de s'affirmer.
Dans Le Seigneur des Anneaux on parle très peu des dieux, la prière des personnages se réduit souvent à des chants pour se donner du courage. Pourtant Tolkien était un chrétien très croyant, mais il ne souhaitait pas faire de prosélytisme. Les notions de Bien et de Mal sont très présentes en arrière-plan du roman, et une seule séquence, si l’on en croit les exégètes, nous montre une volonté supérieure qui tire les ficelles lors de l’affrontement entre Gandalf et le Balrog dans la Moria. Gandalf en sortira transfiguré, au sens propre du terme, et le parallèle avec une figure christique est facile.
L’élément central du roman est bien sûr l’Anneau que porte Frodo, un terrible fardeau puisque celui-ci, outre une puissance quasi infinie, est aussi une maladie qui ronge son porteur. Gollum, ancien porteur de l'Anneau, –qui a fait l’objet de nombreuses analyses- a irrémédiablement été transformé physiquement et psychologiquement, et Frodo n’en guérira jamais complètement. On a souvent reproché à Tolkien d’avoir fait de son roman une longue métaphore de la seconde guerre mondiale. Et surtout de faire l’apologie de la guerre, de la violence ; il est vrai que plusieurs batailles sont décrites au fil du roman. Il faut biaiser cette impression, sachant que Tolkien a participé à la première Guerre mondiale (dans les tranchées en France), et qu’il était un humaniste convaincu. Cependant des passages du roman peuvent entraîner la confusion, comme par exemple lorsque Pippin espère à haute voix la fin de la guerre et que l’instant d’après il admire la prestance guerrière d’un allié qu’il vient de croiser. La naïveté, ou plutôt l’ingénuité du Hobbit permet d’affranchir Tolkien de toute ambivalence à mon avis, les réflexions de celui-ci étant dictées par ses humeurs, un peu comme un jeune enfant.
Le Mal semble aussi avoir une origine géographique ; ainsi dans le roman, l’Est semble presque systématiquement être synonyme de malveillance, puisque c’est vers l’est de la Terre du Milieu que Sauron tient sa forteresse. Ce qui nous permet de glisser vers le thème du racisme, dont a été taxé pendant longtemps l’auteur, notamment en raison de la personnification ou la manière de s’exprimer de ses créatures maléfiques. Le rapprochement avec les Allemands (soyons clairs) est totalement idiot puisque l’auteur s’est déclaré très tôt opposé au nazisme, mais qu’il était de tout cœur avec le peuple teuton. Et puis soyons sérieux, la Communauté de l’Anneau comprend des êtres assez dissemblables dans leurs langues, leurs coutumes, leur aspect physique également.
Le temps crée aussi des raccourcis. Comme les chamailleries incessantes du nain et de l’Elfe. Ou le rôle de Boromir réduit à celui de simple spectateur. Dans l’absolu aucun des membres de la Communauté n’est laissé de côté, traité comme un figurant. Mais dans le prologue, Tolkien parle largement des Hobbits, peut-être parce que ceux-ci sont une création de son fait, alors que Nains et Elfes existaient déjà dans les mythologies. A noter que les Hobbits ont un côté un peu « enfantin » ; ils sont capables de deviser de choses futiles au bord du gouffre…
Mais le temps a figé des expressions immortelles : « l’arc de Legolas chantait. » « Vous ne pouvez passer. » « Monsieur Frodon ! »...
A la relecture, on remarque des défauts de traduction, des éléments qui se contredisent. Mais aussi des unités de mesures typiquement britanniques qui auraient mérité soit une note, soit d’être réellement converties en système métrique. Vous savez, vous, à quoi correspond un furlong, un yard, un mile ? A la décharge de Francis Ledoux, le traducteur français, la somme de travail devait être gigantesque et il n’avait pas forcément le temps de tout réviser. Une révision de cette traduction est en cours, initiée par Vincent Ferré, chargé des œuvres de Tolkien chez son éditeur, Christian Bourgois.
Un élément dont je n’avais pas pris conscience lors de ma première lecture, c’est l’omniprésence, ou du moins la forte présence, des chants. Chacun des membres de la Communauté, à un moment ou à un autre, entonne un chant. Pour se rassurer, pour exprimer ses sentiments, comme la peur, la joie, la peine, pour évoquer des figures légendaires ou des temps lointains, pour se donner du courage, etc. La Terre du Milieu doit son existence à un chant ou une musique, celui ou celle des Ainur, avec l’aide d’Ilúvatar. Lorsque nos amis séjournent à la Lorien, ils entendent les chants des Elfes. Pendant la bataille, les Orques aussi chantent à leur façon. Même l’arc de Legolas chante !
Rapidement la Communauté se fragmente (avant de se retrouver) en duos. Frodo/Sam (j’y reviendrai d’ailleurs), Aragorn/Gandalf, Pippin/Merry, Gimli/Legolas. Seul Boromir est à part, encore que parfois on puisse le mettre aux côtés d’Aragorn, Gandalf étant un personnage très particulier. Après la séparation des membres, certains forment un duo avec un personnage secondaire. On a alors des duos tels que Pippin/Denethor, Merry/Theoden, Merry/Eowyn, Eomer/Aragorn, etc. Cette propension à la dualité ou à l’amitié virile à son revers : la forte présomption d’homosexualité de certains des personnages. Un passage ou deux concernant Frodo et Sam ne laisse d’ailleurs pas de doute, Sam se disant par exemple « je l’aime ». A plusieurs reprises, le jardinier se presse contre son maître, l’embrasse. Les mots ne vont pas plus loin, mais l’impression est forte. La remarque vaudrait aussi pour les « couples » Aragorn/Eomer et Legolas/Gimli, mais à des degrés moindres. Les théoriciens sur ce sujet arguent aussi de l’absence flagrante de personnages féminins dans le récit : aucune femme dans la Communauté, et la présence féminine se réduit à Arwen, Eowyn et Galadriel. Tolkien n’était pourtant pas misogyne, il aimait infiniment sa femme, qu’il a d’ailleurs un peu transposée dans Arwen, l’Elfe qu’aime Aragorn.
Sur l’ensemble du roman, on notera que le second volume, Les Deux Tours, est moins jouissif que le premier. Il y a beaucoup de batailles, moins de découverte du monde merveilleux (enfin, tout est relatif) créé par Tolkien et de ses créatures, même si sur le plan narratif il avance beaucoup. Pas mal de questions se font jour. C’est d’ailleurs là le principal défaut inhérent au SdA : tellement de choses sont suggérées, effleurées, que c’en est presque frustrant ; et seule une partie sera contée ou dévoilée dans le roman ou dans les autres volumes de l’Histoire de la Terre du Milieu…
Le Retour du Roi, volet conclusif, nous montre l’achèvement des différents fils narratifs, le destin de nombreux personnages, principaux ou secondaires, et s’étire en une longue conclusion. Il fallait bien ça pour la foule des héros heureux ou malheureux. Il lui manque cependant une touche finale, un épilogue se déroulant quinze ans plus tard, mais que Tolkien n’a pas jugé bon d’inclure dans la version originale, ni même dans les éditions ultérieures. La qualité d’écriture de ce chapitre est un cran en-dessous du reste, mais pour la cohérence de l’ensemble, il eût peut-être été intéressant de l’intégrer. A priori ce n’est pas prévu dans la révision de la traduction en cours chez Christian Bourgois, l’éditeur.
Le Seigneur des Anneaux est un voyage dans le temps, qui nous propose un decorum moyenageux, mais avec des personnages fantasmés, tels les Orques, le Balrog ou encore… les Hobbits. C’est donc de la fantasy ; on considère d’ailleurs que Tolkien, qui n’a pas « initié » le genre, en a pour longtemps figé les codes. C’est aussi un voyage dans l’espace, au travers bien sûr des déplacements de membres de la Communauté, dans une partie de la Terre du Milieu. Certains lieux sont seulement évoqués, mais permettent au lecteur de rêver, de fantasmer sur ce qu’ils pourraient être. La lecture du Seigneur des Anneaux sans de fréquents retours à la carte qui y est accolée n’aurait d’ailleurs pas la même saveur. Un voyage dans les mots, puisque la langue elfique en particulier y fait quelques incursions.
Mais si l’on ne s’attache pas trop à ces incohérences –mineures pour la plupart-, il n’en reste pas moins que le Seigneur des Anneaux est un formidable roman d’aventure, une épopée magnifique avec des personnages inoubliables. Ce n’est que la partie immergée de l’iceberg, une sorte de « porte-étendard » d’une œuvre touffue, un véritable univers complet dont je vous ai déjà largement parlé, et vous parlerai encore.
Spooky.
Comme c'est un site que j'aime bien, et dans lequel je vais de temps à autre puiser des infos, un petit coup de pouce à Tolkien Universe, qui vient de subir un toilettage complet... L'occasion aussi d'inaugurer une nouvelle rubrique sur le présent blog, qui me permettra de parler des sites ou blogs que j'apprécie... Mais pour l'heure je laisse la parole à l'équipe du site :
"Toute l'équipe de Tolkien-Universe est ravie de vous accueillir sur cette nouvelle plateforme communautaire dédiée à l'univers Tolkien. Cette nouvelle version a pour objectif de rassembler tous les passionné(e)s de l'Univers Tolkien, quelque soit le support. Que vous soyez amoureux des ouvrages de Tolkien, de la trilogie cinématographique de Peter Jackson, que vous soyez un joueur invétéré du Seigneur des Anneaux Online ou collectionneur, vous pourrez partager votre passion sans modération.
Après une baisse d’activité liée à la mise en place de la nouvelle version du site, l’équipe de Tolkien-Universe est heureuse de vous annoncer son retour sur le web.
Tolkien-Universe v.2.0, c’est :
• Toute l’actualité de l’adaptation du Hobbit
News du tournage, casting, rumeurs, photos, décors, musique : rien ne vous échappera !
• Le suivi de l’actualité littéraire internationale autour de l’univers Tolkien
Toutes les nouvelles autour des parutions et analyses des œuvres de Tolkien
• La promotion et le soutien des évènements Tolkien en France
• Toutes les news sur le Seigneur des Anneaux Online et les produits dérivés
• Le meilleur et l’insolite du web consacré à l’Univers Tolkien
Tolkien-Universe v.2.0, c’est aussi :
• La capacité à organiser des évènements en France autour de l’univers Tolkien
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Pour répondre à cette ambition, Tolkien-Universe a donc opté pour une toute nouvelle interface, plus lisible, plus conviviale, plus ergonomique, utilisant les dernières technologies du web.
Vous trouverez ainsi une toute nouvelle page d’accueil avec une mise en avant flash vous permettant, du premier coup d’œil, de repérer les principales informations du moment ainsi qu’un listing des toutes les actualités du jour. Vous y trouverez également le sondage du mois, l’édito de la rédaction ou bien encore l’agenda Tolkien, afin de rater aucun évènement proche de chez vous.
De plus, Tolkien-Universe s’est doté en interne d’une charte rédactionnelle garantissant une qualité forte de l’information, basée sur des sources internationales de référence (Hollywood Reporter, Tolkien Library, Tolkien Society, …).
Par ailleurs, Tolkien-Universe vous proposera de retrouver Tolkien-Universe : le Mag’ dans vos boites aux lettres, les podcasts de Radio Hobbitebourg ou le championnat Tolkien-Universe 2010-2011. Mais aussi des nouveautés comme, par exemple, des soirées thématiques sur le futur tchat de Tolkien-Universe.
Vous l’avez bien compris, pour vivre et partager votre passion au sein d’une communauté conviviale et active, une seule adresse. Et comme Tolkien-Universe, c’est avant tout votre site, sachez que vous pouvez soumettre à tout moment une actualité à la communauté.
Nous vous invitons dès à présent, si cela n’est pas encore fait, à nous rejoindre en vous inscrivant sur les forums de Tolkien-Universe.
En espérant combler vos attentes de passionné(e)s.
Amicalement,
L’équipe de Tolkien-Universe."
Bon surf sur Tolkien-universe.com, et longue vie au site !
Spooky.
"Ca y est, ça le reprend", vont s'exclamer certains...
Eh oui, je suis un tolkienophile indécrottable, et je l'assume. Non content d'avoir lu presque toute sa production traduite en français, je me suis mis depuis plusieurs années à lire les ouvrages analytiques sur son oeuvre... Et de temps en temps je m'en lis deux ou trois en rafale, voire plus.
Cette fois-ci je me suis intéressé à un ouvrage collectif, publié par le CNRS (centre national de la recherche scientifique, excusez du peu), qui a essayé de déterminer les relations de son oeuvre majeure (le duo Bilbo le Hobbit-Le Seigneur des Anneaux) avec les éléments médiévaux. Tous les contributeurs sont des chercheurs spécialisés dans les études médiévales, et chacun, selon sa spécialité, propose donc une étude. Léo Carruthers, lui-même chercheur dans l'estimable institution, qui dirige l'ouvrage, a réparti ces contributions en se basant sur une carte conceptuelle. En partant du "Vieux continent", c'est à dire l'inspiration littérale (du Moyen-Age vers Tolkien), nous naviguons sur les Îles, l'inspiration interculturelle vers des "terres inconnues", représentant les inspirations artistiques et magiques. Organisation, ou plutôt symbolisme audacieux, mais en accord finalement avec les écrits de Tolkien, surtout Le Seigneur des Anneaux, où nous suivons les Hobbits quittant leur Comté douillette pour partir à l'aventure, rencontrer d'autres cultures et finalement [SPOILER] partir vers l'inconnu en fin de parcours... [FIN SPOILER]
A noter que ce cheminement rédactionnel est matérialisé par une carte reprenant les différents éléments.
Tolkien et le Moyen-Âge... Une relation évidente, diront les représentants du grand public, Le Seigneur des Anneaux c'est plein de châteaux forts, de soldats en armures, de seigneurs... Mais si l'on se penche plus précisément sur les éléments constitutifs du Moyen-Âge, c'est moins évident. Penchons-nous d'abord sur la littérature. Le Seigneur des Anneaux doit ainsi beaucoup au Kalevala, un long poème épique écrit en finnois et rassemblant des chants anciens à la fin du XIXème siècle. Le Kalevala semble avoir pas mal inspiré Tolkien pour le personnage de Tom Bombadil, l'énigmatique forestier que rencontre la Communauté de l'Anneau. Les légendes arthuriennes sont aussi une inspiration évidente, quand on voit des personnages comme Aragorn, qui rassemble les figures d'Arthur et de Galaad, par exemple. Médiéviste distingué, l'auteur fut aussi et surtout un philologue de haut niveau. C'est ainsi qu'il a développé des systèmes entiers de langues, et qu'en particulier les langues hobbite et rohirrim (c'est à dire parlée par les habitants de la région du Rohan) ont des liens très forts. La langue de la Comté était, dans l'esprit du professeur, comparable à l'anglais moderne, alors que la langue du Rohan serait à rapprocher du vieil-anglais...
Les contributeurs se sont ensuite penchés sur le personnage de Beorn, l'homme-ours qui apparaît dans Bilbo le Hobbit. Un personnage emblématique qui a des occurrences dans bien des légendes médiévales européennes... Une autre étude revient sur l'une des figures centrales du Seigneur des Anneaux, celle de l'Anneau, à laquelle Gollum est indéfectiblement lié.
Les îles, l'inspiration interculturelle... Ca débute par une étude sur les différents Seigneurs du Seigneur des Anneaux. Car, s'il est acquis depuis longtemps que celui auquel fait référence le titre, c'est Sauron, le récit est truffé de princes, de rois, au premier rang desquels Aragorn, descendant des rois du Gondor, et guerrier errant qui va reconquérir sa couronne. Il y a aussi Theoden, sa fille Eowyn, Boromir, fils de l'intendant du Gondor dont la noblesse d'âme n'est plus à prouver ; son frère Faramir aussi. Et puis ceux qui n'ont pas de titre "officiel" mais qui sont aussi des seigneurs de par leur comportement. Frodo bien sûr, Elrond, qui est plus ou moins l'intendant de Fondcombe... Sa fille fort souvent perçue comme une princesse elfe, et amoureuse du futur roi de Gondor... Ca fourmille de têtes couronnées là-dedans... Ce côté très féodal se retrouve dans la vassalité d'autres personnages, tels Sam, d'une loyauté exemplaire envers Frodo, ou Pippin et Merry, qui vont se mettre au service de deux royaumes dans la Guerre de l'Anneau... Plusieurs contributeurs se sont intéressés à ce que j'appelle le Decorum du Seigneur des Anneaux et à Bilbo le Hobbit : les armes, les armures, le symbolisme, et parfois le pouvoir particuliers qu'ils revêtent aux yeux des protagonistes ou dont ils sont réellement dotés. La musique et la poésie, éléments indissociables de l'univers d’Arda, sont également passés au crible. Car c'est bien la musique et les chants qui président à la création de ce monde, sous l'égide d'Iluvatar.
La troisième partie des études propose de revenir sur l'inspiration artistique et magique du Seigneur des Anneaux et de Bilbo le Hobbit. Ici Tolkien est allé chercher son inspiration bien loin, vers le gigantisme de l'art antique égyptien et la légende de l'Atlantide pour construire ses forteresses imprenables, ses édifices cyclopéens, l'histoire de Numenor même. On s'éloigne un peu de la culture médiévale dans ces pages. L'un des derniers chapitres aborde la question de la médecine ; je ne l'avais jamais remarqué, mais les passages consacrés aux soins et à la guérison sont aussi peu nombreux que courts dans les pages du Seigneur des Anneaux. Aragorn (investi d'un pouvoir divin, que l'on attribuait aux rois de France, il est vrai), guérit une grave affliction par imposition de la main. Frodo se réveille guéri dans la maison d'Elrond, sans qu'on sache ce que celui-ci a fait pour le guérir. Et ce sont là les passages les plus importants. Il s'agit là d'une faiblesse dans le "paysage" tolkienien, qui affaiblit l'impression de réalisme de l'ensemble. Cette étude fut l'une des plus intéressantes pour moi, car j'y ai vraiment vu un aspect nouveau, encore inédit. Et pour finir, l'étude consacrée à la magie et à la sub-création revient sur la notion de mage, incarné à la fois par Gandalf et Saruman, qui ne sont pas des Hommes, mais des Istari, c'est à dire des êtres d'essence divine et extrêmement anciens.
En conclusion, après cette lecture, je dois dire que je suis relativement mitigé. Bien sûr, comme dans tous les ouvrages collectifs, il y a de bonnes et de moins bonnes choses. Globalement je n'ai pas appris grand-chose sur l'inspiration médiévale de Tolkien. Certaines études vont un peu plus loin dans le decorum, ce qui est loin d'être inintéressant, mais en ce qui concerne le Kalevala ou Beowulf, ce sont des références depuis longtemps citées chez les exégètes du Professeur. Par contre je n'avais jamais vu le personnage de Beorn sous cet angle, et le chapitre sur la médecine m'a apporté du neuf. A lire par les acharnés. Malgré certains côtés un peu datés, je recommande aux néophytes la lecture de Tolkien, sur les rivages de la terre du Milieu, ouvrage critique fondateur en France de Vincent Ferré. (trouvable en grand format chez Christian Bourgois ou en Pocket) Pour vous remettre tout ça en mémoire, retrouvez son interview exclusive ici.
Je continue mon exploration de l’arrière-boutique de l’œuvre de JRR Tolkien, avec cet ouvrage paru il y a 4 ans, célébrant les 30 ans de la disparition de l’auteur du Seigneur des Anneaux. Dirigé par Vincent Ferré, Maître de Conférences en Littérature générale et comparée à l’Université Paris XIII, cet ouvrage se veut un jalon sur la recherche au sujet de l’un des plus grands auteurs du XXème siècle.
Les articles, rédigés par de nombeux chercheurs français, américains, britanniques, québécois et italiens, sont introduits par un article du directeur sur la réception critique de l’œuvre de Tolkien en France. Il est à noter que jusqu’en 1977, et donc la parution –posthume, car achevée par son fils Christopher- du Simarillion, Tolkien n’était perçu, en tant qu’écrivain, que comme l’auteur du Seigneur des Anneaux, paru pour la première fois 20 ans auparavant. A partir du Silmarillion, les choses changent. Tolkien n’est plus seulement un écrivain contant les aventures d’un groupe de personnes dans un décor de fantasy, mais un démiurge qui a non seulement jeté les bases d’un univers séduisant, mais surtout développé de façon encore jamais vue ledit univers, avec sa cosmogonie, sa chronologie, ses langues et sa mythologie. Une mythologie dont, selon Tolkien lui-même, l’Angleterre manquait cruellement. Son objectif était donc de réaliser cette mythologie.
Mais revenons aux sources ; le principal artisan de la découverte de l’auteur en France est Christian Bourgois, l’éditeur qui l’a publié en 1972-1973, soit juste avant la mort de l’écrivain. Fait cocasse, Bourgois a publié Tolkien sans le lire, se basant sur les conseils de Jacques Bergier, écrivain qui l’évoquait dans Admirations.
Après ces apéritifs, le recueil entre dans le vif du sujet avec une première partie intitulée Confluences. On y trouve une étude du fameux tournoi d’énigmes entre Bilbo et Gollum (dans Bilbo le Hobbit), inspiré par des œuvres plus anciennes, notamment issues de la mythologie nordique, grand champ d’étude de Tolkien. L’article suivant s’attache à analyser la place du Seigneur des Anneaux dans une tradition plus vaste, qui s’étend géographiquement à tout le continent eurasisatique. C’est la figure de l’anneau, ou du cercle, qui préside à cette tradition. Paul Airiau, historien spécialiste des religions, s’est lui attaché à analyser l’une des scènes les plus marquantes du Seigneur des Anneaux, à savoir la chute de Gandalf dans les ténèbres de la Moria. Il propose une lecture spirituelle de la séquence, montrant la présence d’un entité suprême qui a tiré les ficelles lors de ce seul évènement. Au travers de cette lecture, et d’autre, les chercheurs appuient sur un élément souvent ignoré dans l’œuvre de Tolkien : sa foi profonde, qui transparaît finalement assez peu dans ses écrits, bien moins cependant que chez son ami Clive Staple Lewis, auteur du médiocre Narnia écrit à la même époque. Cette influence de la religion et des traditions indo-européennes est également analysée à travers la présence et la lutte entre le Bien et le Mal dans toute l’œuvre romanesque de Tolkien (enfin du moins dans ce qu’on appelle le cycle d’Arda, Arda étant le nom du monde).
La seconde partie, intitulée l’Arbre et ses branches (quel beau titre) nous propose de rentrer plus précisément dans la trame narrative de l’œuvre. On commence par une enquête sur l’origine des langues inventées, ou plutôt adaptées par Tolkien. On y trouve une analyse fine, ainsi que des tableaux schématiques représentant les similitudes entre les langues d’Arda et l’évolution de la langue anglaise, depuis le proto-germanique jusqu’à l’allemand, le frison, le yiddish, les dérivés néerlandophones (hollandais, flamand, afrikaans), les langues scandinaves et bien sûr, l’anglais moderne. Michaël Devaux, agrégé de philosophie, nous propose ensuite une approche méthodologique afin de lire la somme romanesque de Tolkien. On apprend ainsi que l’auteur a réalisé plusieurs versions de ses œuvres (ce qui n’étonnera personne, vu que Tolkien n’estimait jamais ses textes comme finis), que le Silmarillion a connu une première version 60 ans avant sa publication finale, en 1977. Il est à noter que c’est Guy Gavriel Kay, autre auteur de fantasy connu, qui a aidé Christopher Tolkien à acherver la rédaction de ce recueil. L’œuvre de Tolkien est truffée de paradoxes, puisque Le Seigneur des Anneaux et Bilbo le Hobbit sont des textes publiés mais non définitifs, et que l’Histoire de la Terre du Milieu et le Silmarillion, en particulier, sont des textes définitifs (si l’on fait confiance aux continuateurs du Maître), mais non autorisés par l’auteur.
Au cœur de ces mélanges survient –et ce n’est pas innocent- l’analyse de l’un des textes les moins connus de JRR Tolkien, Feuille, de Niggle. Ce court récit ne prend pas place dans le cycle d’Arda, mais se pose en fait comme une sorte de manifeste de l’écrivain que tente d’être Tolkien. Jérôme Bouron, doctorant en littérature générale et comparée à Paris XIII, parle même de « testament poétique préalable », d’ »incarnation transparente de la théorie esthétique de Tolkien ». celui-ci livre dans ce récit ses peurs, son mode de pensée, ses réflexions sur son travail, se livrant un peu, mais finalement pas tant que ça. La longue métaphore au sujet de l’arbre et de ses ramures vaut à elle seule la lecture de ce petit texte, que l’on peut trouver dans Faërie.
L’ombre noire constitue la troisième partie du recueil. Comme vous vous en doutez, nous y trouverons les analyses (mais aussi les origines littéraires) de nombre de figures maléfiques présentes dans Le Seigneur des Anneaux, telles que les orques, les Êtres des Galgals ou les Spectres de l’Anneau, dont les origines ne sont pas toujours claires dans le récit. Le second article propose une lecture géographique du Mal, ce qui nous amène au dernier article de cette troisième partie, qui s’est penché sur le racisme chez l’auteur. On a souvent reproché à Tolkien des relents de racisme dans ses écrits, notamment dans la personnification ou la manière de s’exprimer de ses créatures maléfiques. C’est le voisinage temporel de la publication du Seigneur des Anneaux (en 1954-55, rappelons-le), qui a amené de nombreux commentateurs à faire ce rapprochement. Mais Tolkien a toujours clamé, et ce dès la montée du nazisme dans les années 1930, son dégoût pour ce phénomène. Rappelons également que ceux qui pouvaient incarner une pensée « raciste » (au sens où le définit Lévi-Strauss) le payent chèrement. Que l’on se souvienne du destin de Boromir pour s’en convaincre. Et rappelons le parcours de la Communauté de l’Anneau, qui rassemble des êtres très dissemblables, et qui au final poseront un regard rassembleur sur les autres (à cet égard, la relation entre Legolas et Gimli est exemplaire). En outre, l’imagerie peu subtile adoptée par Peter Jackson dans son adaptation contribue à brouiller ce message.
Curieusement un article concernant la figure du héros a été intercalé juste avant ce papier sur le racisme. Il relève la parenté d’Aragorn avec Beowulf, mais aussi d’autres figures classiques et/ou mythologiques. Frodo, à sa manière, participe aussi de cette tradition, dans la mesure où il est un personnage de petite taille, presque un enfant (y compris dans son aspect naïf), mais aussi un citoyen ordinaire, qui se retrouve propulsé dans une aventure trop grande pour lui. En cela il s’oppose à Aragorn, personnage épique par excellence, qui était resté caché pour apparaître ensuite en pleine lumière et accomplir son destin, que l’on croit glorieux. Or la fin de ces deux personnages est loin d’être classique, ni même heureuse, en ce qui concerne Frodo. C’est à la lecture de ce type de réécriture des mythes que l’on peut dire, sans exagérer, que Tolkien a non seulement réactualisé nombre de figures classiques, mais les a également refondées.
La quatrième partie propose une lecture des relations entre Tolkien et les arts. Dans une œuvre à portée épique comme Le Seigneur des Anneaux, il est intéressant de noter la place des couleurs. Ainsi dans le roman le gris et toutes ses nuances tiennent-ils une place prépondérante. Le texte suivant se propose de faire une analyse des deux films de Peter Jackson. Oui, j’ai bien écrit « deux », car à l’époque de rédaction des différentes contributions, seuls deux des trois films étaient sortis. C’est là que réside, à mon goût, la grosse faiblesse de ce recueil : à trop vouloir coller aux « trente ans », les chercheurs se sont privés de la possibilité de juger, analyser et comparer les trois films réalisés par le Néo-Zélandais en short. Comment, en effet, être satisfait face à ces analyses incomplètes ? Cependant la critique (si tant est qu’on puisse la qualifier ainsi) est assez bienveillante, dégageant des axes de réflexion par rapport au rôle tenu par Jackson.
Pour conclure ce recueil de très bonne facture, on trouve un entretien avec John Howe, l’un des deux (avec Alan Lee) meilleurs illustrateurs de l’univers tolkienien, et qui a contribué étroitement aux effets visuels (créatures, décors) de la trilogie sur grand écran. Une introduction très intéressante sur la manière dont il conçoit l’illustration, presque instinctive chez lui. Pour finir, Anne Besson, Maître de conférence dans l’Université d’Artois, propose une première approche sur la façon dont l’œuvre de Tolkien a influencé les cycles de fantasy contemporains, approche dont la conclusion est qu’aucun n’a vraiment su, pour l’heure, se délivrer de son modèle, et qu’en plus celui-ci a fourni les bases pour de nombreux jeux, une influence dont on reparlera.
Au final, j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce recueil concernant l’un de mes auteurs préférés. Au-delà du simple hommage, il contient énormément d’informations permettant de lire entre les lignes, de dégager des influences, mais aussi les origines de nombreux éléments littéraires, et montre de façon très informée que l’auteur a posé les bases d’un genre littéraire entier – la fantasy-, et ce pour très longtemps probablement. C’est aussi un ouvrage qui se veut globalement de vulgarisation, accessible à tout un chacun un tant soit peu intéressé par l’œuvre de Tolkien et par le processus de création littéraire, même si certains essais sont plus difficiles d'accès que d'autres.
Tolkien, trente ans après (1973-2003) – Sous la direction de Vincent Ferré ; Christian Bourgois Editeur, 2004
Vous ferai-je le rappel de l'histoire du Hobbit, préquelle du Seigneur des Anneaux, dont l'adaptation a rassemble des millions de spectateurs dans le monde entier ? Vous rappellerai-je que celui qui a commencé à porter à l'écran cette saga, Peter Jackson, est une sorte de demi-dieu vivant dans son pays, la Nouvelle-Zélande, dont il a dû doubler à lui seul (enfin, avec toute son équipe) le PIB ?
Non. Car tout cela vous le retrouverez sans peine dans les billets de ce blog, rassemblés en ce lieu. Je ne parlerai pas non plus des aléas de la production, Sam Raimi ayant vite jeté l'éponge, Guillermo Del Toro (Hellboy) ayant été longtemps impliqué avant de lui aussi lâcher l'affaire, avant que Peter Jackson reprenne les rênes lui-même, secondé par Andy Serkis (qui joue Gollum), propulsé réalisateur de la 2ème équipe.
Je vais plutôt vous parler sans détour de cette adaptation -toujours par Peter Jackson-, ou plutôt de cette première partie (puisque trois volets sont prévus) sortie juste avant cette fin d'année. Le dernier blockbuster avant la fin du monde, en somme.
Nous avons donc le voyage de Bilbo, jeune Hobbit sans histoire, accompagnant - un peu à reculons au début- une troupe de treize Nains et un sorcier, Gandalf, dans leur quête afin de récupérer l'or qui revient à leur chef, Thorin, héritier du dernier grand royaume de son peuple, lequel a été dérobé par un dragon, Smaug. Cette première partie se rapporte donc peu ou prou au premier tiers du roman, entre l'intrusion des Nains chez Bilbo et [SPOILER] l'arrivée de la Compagnie de Thorin en vue du Mont Solitaire.[/FIN SPOILER] Entre ces deux évènements, 2h45 de long métrage, qui peuvent sembler longs au puriste, tant Jackson a "enrichi" le matériau d'origine avec différents éléments. On avait déjà remarqué sa propension à faire des raccourcis, des coupes, ou des réécritures de certains passages du Seigneur des Anneaux. il en est de même ici, mais je vais vous parler plus en détail de ces différents arrangements, ma relecture du Hobbit étant assez fraîche.
Parlons d'abord des points qui fâchent.
D'abord sur le plan du design. Pour différencier les Nains, qui je le rappelle sont treize, il a bien fallu leur trouver des looks différents, les faciès des acteurs n'étant pas forcément mis en évidence, sauf pour deux ou trois d'entre eux. Par conséquent certaines coiffures ou chapeaux ne sont pas forcément heureux...
Idem, le sorcier Istari Radagast (dit le Brun) ressemble à un croisement entre un Ewok et un écureuil en fin de vie. Pour authentique qu'elle fasse, la coulée de guano qu'il arbore en permanence sur le côté du visage n'est pas une riche idée non plus.
Sur le plan narratif ensuite : la scène avec les trolls, point fort du roman, a complètement été changée par Jackson et ses co-scénaristes. Certes, elle permet d'inclure tous les Nains dans la séquence, mais la façon dont Tolkien avait imaginé cette scène aurait dû, à mon sens, rester telle quelle, même si elle paraît burlesque, elle fonctionne très bien... Le personnage de Radagast, sorcier à l'instar de Gandalf et de Saroumane mais qui vit en ermite dans la forêt, est présenté de façon assez maladroite.
Fumant des champignons, se déplaçant sur un traîneau tiré par... des lapins (certainement la pire idée de Jackson), son côté semi-clochard ne passe franchement pas. Dès lors, j'en suis presque venu à me demander quel intérêt il pouvait avoir. Une seule scène justifie, à vrai dire, sa présence à l'écran, laquelle permet de relier ce Hobbit au Seigneur des Anneaux. Mais franchement, je pense que sa présence aurait pu être réduite de trois quarts sans dommages, avec tout le respect que je dois à son interprète.
Autre point qui peut faire débat, mais là pour le coup je ne jette la pierre à personne, l'aspect physique des acteurs. Certains, déjà présents dans le Seigneur des Anneaux, doivent revenir en Terre du Milieu dix ans plus tard. Et pour certains, comme Ian Mc Kellen, qui joue Gandalf, la différence se voit, alors que cette histoire est censée se passer 60 ans auparavant... Christopher Lee, qui joue Saroumane, accuse lui aussi un peu le poids des années. Au rang de ceux chez qui ça se voit moins, citons Cate Blanchett (Galadriel), qui a tout de même des pattes d'oie au coin des yeux, Hugo Weaving (Elrond), ou encore Ian Holm qui jour Bilbo vieux. A noter tout de même que Holm (81 ans) et Lee (90 ans) sont restés à Londres pour tourner leurs scènes, ne se sentant pas forcément de taille à travers le monde pour une journée de prises de vues.
Pourquoi Bilbo vieux ?
Parce qu'en prologue de ce Hobbit, Jackson a décidé de placer -entre autres scènes explicatives- une séquence se déroulant juste avant le début de son Seigneur des Anneaux, c'est à dire le matin de réception qui verra Bilbo disparaître, et son neveu Frodo hériter de l'Anneau. On voit donc également Elijah Wood (Frodo) pour une courte scène. Jackson en rajoute dans les scènes préliminaires, nous emmenant plus loin dans l'histoire de la Terre du Milieu, nous racontant les tenants et les aboutissants de l'affaire qui amène Thorin et ses compagnons chez Frodo, mais aussi et surtout la bataille qui vit la fin du dernier Roi sous la Montagne, et l'affrontement entre Azog, un orc sanguinaire, et Thorin, alors jeune prince. Episode -ajouté- qui a son importance et explique un certain nombre d'agissements de l'un et de l'autre par la suite. Au passage on comprend le pourquoi du surnom de
Thorin, Ecudechêne.
Un point pas forcément négatif, mais qui est à signaler : Bilbo et ses compagnons font une halte à Rivendell, alias Fondcombe, refuge d'une communauté d'elfes guidés par Elrond. Il s'agit de la première visite d'un Hobbit en cette région, et si on voit bien l'émerveillement de Bilbo face à la poésie, la beauté du lieu, on y passe beaucoup trop peu de temps pour vraiment apprécier... Question de timing sans doute.
La scène où les Nains font la vaisselle chez Bilbo en chantant une geste sur leur future aventure fera sans doute hurler plein de gens qui parleront d'une scène semblable dans Blanche-neige et les 7 nains, mais... elle est présente dans le texte original...
Après, certains diront que c'est nul parce qu'un peu bêbête, mais je vous le rappelle, le Hobbit est avant tout un livre pour enfants, les grincheux...
Passons maintenant aux point positifs.
Jackson n'a rien perdu de sa virtuosité de réalisateur, il nous propose une longue scène de bataille entre la Compagnie de Thorin et des orcs sous les Monts Brumeux, d'une virtuosité impressionnante. Une scène bien sûr fortement assistée par ordinateur. Autre moment fort de l'histoire, la rencontre entre Bilbo et Gollum, créature recluse dans les profondeurs des Monts Brumeux. Une fois encore la réalisation en motion capture est sans faille, et Gollum a bien l'air plus jeune que dans Le Seigneur des Anneaux. Un
autre petit mot sur cette séquence, car elle occupe une place centrale, puisque c'est à cette occasion, et par hasard, que Bilbo trouve l'Anneau unique, qui lui rendra par la suite bien des services. Le contenu de la scène me semble coller presque à la perfection au récit originel, je n'ai rien à redire dessus.
Une autre scène, moins importante, est celle des orages auxquels sont soumis nos héros sur ces mêmes Monts Brumeux ; orages pendant lesquels des géants de pierre se livrent une bataille farouche, balançant des morceaux de montagne par-ci, écrasant des pans entiers des mêmes montagnes par là. c'est juste impressionnant.
Petite satisfaction de fan : la carte que Gandalf déroule devant les Nains chez Bilbo est un fac-similé de celle réalisée par Tolkien lui-même en 1937.
Autre point positif : que ce soit lors du prologue explicatif ou de la fin (provisoire bien sûr) de cette première partie, on ne voit pas Smaug. A peine peut-on l'imaginer, d'après une queue se faufilant dans un tunnel, une patte gigantesque renversant des maisons ou un oeil enfoui sour un monceau d'or s'ouvrant au moindre bruit... Ca s'appelle du teasing, les amis, et c'est efficace, car on a envie de voir à quoi ressemble Smaug.
Pour le reste, on est en terrain connu, si j'ose dire : les paysages de Nouvelle-Zélande sont toujours magnifiques, on a droit à une image de belle qualité (j'ai vu le film en 3D, mais pas en 48 images par seconde, du coup la fluidité n'était pas totale).
Sur le plan du casting, rien à dire : Martin Freeeman, qui incarne le célèbre médecin Watson dans la série Sherlock, est parfait en petit personnage tranquille dont les journées sont rythmées par l'heure du thé et le jardinage, mais qui peut se révéler très courageux dans une situation extrême. Chez les Nains, Thorin, joué par Richard Armitage (acteur britannique vu dans Captain America ou différentes séries britanniques), se détache nettement, à l'instar d'un Viggo Mortensen en Aragorn sur Le Seigneur des Anneaux. Difficile de détacher l'un ou l'autre des Nains, mais je les trouve bien dans leurs rôles. Ian Mc Kellen est égal à lui-même, puissant, lumineux, mais je le trouve bien fatigué tout de même...
Un ajout de taille par rapport au livre de Tolkien : Azog, l'orc pâle blessé jadis par Thorin, et qui commande la chasse des Ouargues sur ses compagnons ; il n'est que mentionné dans le roman de Tolkien, mais tient ici un rôle conséquent, qui permet aux deux ennemis de s'affronter dans une belle scène.
Au final, mon sentiment est nettement positif : certes, Jackson s'écarte du texte plus d'une fois ; parfois cela se justifie, parfois absolument pas (je ne décolère pas contre le personnage de Radagast). Ensuite certains ajouts, dont une partie est présente dans les appendices du Seigneur des Anneaux et dans d'autres textes, ont pour but, en fin de parcours, de nous proposer un ensemble cohérent sur les 6 films adaptés de l'oeuvre de Tolkien. On aura alors une idée de la vision globale d'un fan qui a donné son adaptation. Et pourquoi pas, même s'il y aura toujours des manques, des choix artistiques discutables... Il y aurait dequoi remplir deux bouquins sur le film, mais je vous ai assez parlé de Hobbits, de Nains et et d'Orcs pour cette année. Je vous souhaite à tous et à toutes une belle fin du monde d'année 2012.
Spooky
Depuis une dizaine d'années à présent JRR Tolkien est revenu sur le devant de la scène culturelle avec les films de Peter Jackson. La traduction du Seigneur des Anneaux, par Francis Ledoux, avait quant à elle pris un petit coup de vieux et son éditeur historique, les Editions Christian Bourgois, a décidé de réviser la traduction. Le processus a pris du temps, il fallait un traducteur capable d'intégrer les contraintes toutes particulières de l'exercice, et après celle du Hobbit est arrivée celle du Seigneur des Anneaux (dont je vous reparlerai de façon dédiée), du moins de sa première partie. Dans ce cadre, Vincent Ferré, que j'ai eu l'occasion et le plaisir d'interviewer il y a quelques années, fait une série de rencontres avec des lecteurs dans des librairies ou des bibliothèques.
Pour rappel Vincent Ferré est professeur en littérature comparée à l'Université de Paris-Créteil, spécialiste de Proust et Tolkien, et directeur de la collection Tolkien chez Bourgois. Cette fois-ci il était au Merle Moqueur, grande librairie parisienne, où un auditoire de 25 personnes a pu échanger avec lui.
En guise de présentation, Vincent a parlé rapidement de la genèse et de la réception des ouvrages de Tolkien de son vivant, et a abordé le travail d'adaptation de Christopher Tolkien et de la traduction en cours de ses oeuvres.
En termes de volume, il y a encore des milliers de pages écrites par Tolkien à la Bodleian Library et dans d'autres établissements. Mais selon Christopher, Beowulf, paru l'an dernier (et dont la traduction est en cours) est le dernier grand texte de son père. En français, on a encore du retard : outre Beowulf, il reste de nombreux poèmes, relatifs à la Terre du Mmilieu ou pas, et les volumes 6 à 12 de l'Histoire de la terre du Milieu (les 6 à 9 étant les prémices du Seigneur des Anneaux, les suivants étant plus centrés sur les Elfes).
Vincent n'a esquivé aucune question concernant son travail de superviseur, ou son sentiment sur les adaptations diverses et variées de l'oeuvre tolkienienne. Il a ainsi participé à la traduction du premier film de PJ, avant de lâcher l'éponge, s'étant rendu compte que le milieu cinématographique n'était pas sa tasse de thé. Concernant le jeu d'action récemment sorti, l'Ombre du Mordor, il s'agit vraisemblablement d'une sorte d'hérésie narrative de niveau industriel, entre le Mordor fertile et verdoyant (!) et le principe du jeu, avec son héros qui ressuscite grâce à l'esprit de Celebrimbor...
V. Ferré a parlé de sa relation avec Daniel Lauzon, traducteur basé au Québec, avec qui les échanges se passent essentiellement par mail, et lequel avait le "final cut" en cas de divergences de vue sur la traduction. Il a évoqué en particulier le travail fait sur les poèmes et les chansons du Seigneur des Anneaux, au nombre d'une cinquantaine, pour lesquels Lauzon a tenté de garder la métrique et les jeux de mots, en bref, l'esprit d'origine. A noter que cette traduction, dont les deuxièmes et troisièmes volets sortiront en 2015, a déjà nécessité plus d'un an de travail. Lequel est arrivé après que Vincent Ferré et un groupe de volontaires, au nombre de neuf au départ (comme les membres de la Communauté de l'Anneau), aient établi une liste de coquilles et incohérences sur la traduction de Francis Ledoux, un document de... 910 pages.
Le plateau des victuailles réalisé par la librairie le Merle Moqueur à l'occasion de la rencontre avec Vincent Ferré. Photo réalisé par leurs soins, merci à eux pour le prêt.
Vincent Ferré a d'ailleurs salué l'activité et le dynamisme de plusieurs partenaires français, tels que l'association Tolkiendil, les sites Tolkiendrim et Elbakin, mais aussi des partenaires institutionnels tels que le Tolkien Estate et la Tolkien Trust, organistation caritative fondée par les quatre enfants de Tolkien et qui reverse des fonds pour des actions caritatives telles que l'aide d'urgence et le secours aux sinistrés, des organismes de bienfaisance à destination de la santé, des causes environnementales, l'éducation et les arts.
Comme je vous le disais l'actualité tolkienienne est dense en cette fin d'année. En prévision de la sortie du dernier volet du Hobbit, Warner a inondé le web ces derniers jours de visuels teaser. Au mois de décembre Arte propose un cycle d'émissions et de documentaires consacrés au Professeur. Vincent Ferré, quant à lui, publie à la même époque "Lire JRR Tolkien", chez Pocket. L'universitaire propose également différents textes sur la question sur ce site, ou celui-ci. Bref, un homme très intéressant, passionné et érudit sans être pédant, en plus d'un garçon charmant.
L'occasion est trop belle pour vous signaler cette possibilité proposée par Google de vous balader en Terre du Milieu... Et si vous souhaitez dormir une nuit dans un trou de hobbit, c'est possible (plus ou moins) près de chez vous...
Spooky