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...:::Ansible:::...

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Tous les territoires de l'imaginaire, en vitesse supra-luminique. Chroniques sur le cinéma, la littérature, les jeux, séries TV, bandes dessinées.

Publié le par Spooky
Publié dans : #BD

 

 Alfred est un auteur un peu à part dans la BD franco-belge. Voici le texte que j'avais écrit il y a quelques années pour son site officiel (aujourd'hui disparu). C'est le seul texte, dans la masse de tout ce que j'ai pu écrire, dont je sois intégralement fier.




Alfred est un drôle d'oiseau.

Dans la vie, l'appréciation de l'autre peut prendre de drôles de chemins. Il y a des coups de foudre, des revirements, mais aussi des relations qui se construisent au long cours. Au départ, je n'aimais pas le dessin d'Alfred. Mais à l'époque, je suivais de près la production du scénariste Eric Corbeyran, qui un jour m'a dit : "je connais un petit jeune, Alfred, qui a beaucoup de talent". Ensemble ils réaliseront trois albums, sans compter le collectif Paroles de taulards. Et puis, comme j'aime la BD en général, et que je suis assez curieux, je me suis plongé dans le cas Alfred. On se laisse très vite prendre par l'atmosphère très fantasy (au sens large) distillée par ses albums.

 

 
En lisant ces diverses BD, j'ai été frappé par plusieurs choses. D'abord le goût du jeune dessinateur pour les "gueules" impossibles de ses personnages, regardez la couverture de La Digue, remplie de faciès tous plus tourmentés les uns que les autres, digne d'une galerie d'outre-tombe et pourtant, inexplicablement, tellement vivants par la diversité de leurs expressions. Ensuite, parce que la plupart des récits illustrés par notre petit gars se déroule dans un univers que l'on taxerait facilement de fantastique, de prime abord, mais que j'appellerais décalé, car il n'y a pas forcément de place pour le surnaturel dans ces histoires. Plutôt un penchant pour l'absurde (La Digue), le conte (Octave), la dystopie (Le Chant du Coq) ou le torturé façon Tim Burton (Abraxas), au passage l'un des cinéastes préférés d'Alfred.

 

Serait-il donc un rêveur ? Au gré de quelques rencontres avec l'auteur, cette conviction a fini par se forger une consistance d'airain en moi. Pourquoi un rêveur ? Parce qu'il est un vrai poète de l'imaginaire, parce qu'un rêveur aime s'évader du quotidien (gris comme le rideau d'Abraxas) en planant, en voyageant, loin au-dessus de ses contemporains. Et quoi de mieux pour voyager qu'un oiseau ? L'oiseau, l'un des clins d'œil instaurés par Alfred dans ses albums... Vous ne comprenez pas ? Allons, ne me dites pas que vous n'avez jamais remarqué ce piaf en rebord de fenêtre (Le Chant du Coq), ces mouettes omniprésentes dans La Digue, au point d'en placer là où ils n'ont rien à faire (sur un chapeau dans La Digue), en seconde de couverture d'Abraxas... A croire qu'il ne peut se déplacer sans, comme en témoigne cet étourneau dessiné à la craie lors d'une mémorable photo pour le calendrier "Nu" des Editions Delcourt. On pourrait également relever ces corbeaux (plusieurs occurrences dans Abraxas), cet oiseau blanc (Abraxas encore, décidément une vraie volière), ce simulacre d'oiseau que l'on jette dans le feu dans cette même série...


Dans Un colt, qu'on en finisse !, l'oiseau (que nous avons appelé étourneau, faute de pouvoir l'identifier plus clairement) occupe une place privilégiée en tant que spectateur de la joute verbale à laquelle se livrent les deux protagonistes. On ne peut pas le louper, même s'il est au côté de deux charognards qui eux, ont tout à fait leur place dans cet album, attendant tranquillement la fin des deux personnages.
Dans un genre tout à fait différent, Alfred a dessiné un petit album d'humour, Monsieur Rouge entre en scène, aux Editions Petit à Petit ; pas d'oiseau dans cet album-là, et (peut-être est-ce lié, cet album me semble le moins intéressant dans cette bibliographie)...
La meilleure illustration étant selon moi cette petite mouette en (magnifique) couverture d'Octave et le Cachalot ; alors qu'il n'y a pas vraiment d'oiseau dans l'album, Alfred a quand même réussi à en placer un, et pas n'importe où !

Une autre constante chez Alfred, peut-être due à sa jeunesse : son intelligence éditoriale, sa soif d'évoluer. Nonobstant un style graphique complet qui n'appartient qu'à lui, il explore de nouvelles voies graphique en s'essayant au conte pour enfants (Octave) ou encore au strip humoristique (Monsieur Rouge), avec un bonheur me semble-t'il mitigé. Ce goût du semi-risque vient peut-être du passé d'Alfred qui, avant d'être auteur de BD, s'est lancé à l'âge de 18 ans dans l'expérience de la micro-édition avec la structure Ciel Ether. Une expérience qui, visiblement, lui a beaucoup servi. Ce jeune homme n'a peur de rien, et a décidé de se faire plaisir tout en faisant de la bande dessinée, ce qui est plutôt rare. La chanson dit qu'un oiseau vit d'air pur et d'eau fraîche... Alfred, lui, se nourrit du rêve des nuées, et son fluide nourricier est l'inspiration ; assurément, Alfred est un drôle d'oiseau.



Spooky.


 

Mise à jour : depuis l'écriture de cet article, Alfred a évolué vers un style plus adulte, avec des histoires parfois violentes sur le plan psychologique, et plus du tout ou presque d'osieaux. J'espère au moins que l'adolescent rêveur est devenu un homme épanoui, en même temps qu'un auteur accompli, avec cette évolution.

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P
<br /> <br /> Jolie note sur un auteur que j'apprécie tout particulièrement ...<br /> <br /> <br /> <br />
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