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...:::Ansible:::...

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Tous les territoires de l'imaginaire, en vitesse supra-luminique. Chroniques sur le cinéma, la littérature, les jeux, séries TV, bandes dessinées.

Publié le par Spooky
Publié dans : #Personnalités

 

Les Editions Albin Michel ont proposé à des blogueurs partenaires -dont votre serviteur- de rencontrer l'écrivain danois lors de son passage à Paris, au coeur d'une tournée qui l'a mené également en Belgique, à Lille, à Lyon et à Genève. Au départ seule une rencontre avec des libraires et des VIP était prévue, mais c'est l'auteur lui-même qui a insisté pour que des blogueurs fassent partie de ce moment privilégié.

 

Le 20 janvier, nous sommes donc une poignée, et certains venant de Bordeaux ou de Marseille (à noter qu'Albin Michel a participé aux frais de déplacement, sympa) à nous présenter au siège de la maison d'édition. L'écrivain, avec lequel j'ai pu échanger quelques mots dès son arrivée, se prête au jeu du photoshoot promo avant de s'installer avec nous et son assistante dans un local qui nous est réservé pendant une heure. La conversation s'est faite en anglais, Jussi s'y montrant très à l'aise, et les intervieweurs l'étant aussi. L'une d'entre nous parlait danois, en outre.

 

 

En préambule il a tenu à nous rappeler combien les blogueurs sont importants pour lui. "Les blogueurs ont des followers, qui croient en vous, qui connaissent vos goûts, et vont vous faire confiance. Par conséquent, si vous, écrivain, trouvez un bon blogueur qui vous apprécie, c'est très important, car votre popularité en profite. Aux Etats-Unis les blogueurs sont très importants. J'y suis allé, mais pas pour rencontrer les media traditionnels, plutôt pour rencontrer les libraires indépendants et les blogueurs. Les blogueurs sont des lecteurs, et je les respecte. J'écris pour les lecteurs, pas pour l'argent, pas pour la célébrité... Nous avons ensuite enchaîné sur différents sujets :

 

A la question de sa région d'origine, Adler Olsen répond "Je suis de partout. Je suis le fils d'un psychiatre, qui travaillait dans les hôpitaux, et au gré de ses affectations, nous bougions beaucoup sur le territoire danois. Nous avons même habité dans des coins reculés jusqu'à l'âge de pierre. J'étais un vrai garçon, qui courait dans la campagne et faisait des trucs. Je suis né à Copenhague, cependant. Quand j'ai rencontré ma femme, nous avons vécu à Copenhague, puis déménagé un peu plus au nord, et j'habite maintenant à Allerød, une ville de 25 000 habitants au nord de Copenhague, avec toutes les commodités : un cinéma, un théâtre fantastique, des terrains de sport. Et c'est un bon endroit pour que mon fils soit un garçon, pour qu'il s'éclate complètement. c'est dans cette ville qu'habite Carl Mørck, mon héros. Mais je ne pense pas que ce soit un bon endroit pour lui, ça ne lui plaît pas."

 

"Lorsque j'ai commencé à écrire les aventures du Département V, je n'avais jamais lu d'histoires parlant de cold cases (affaires criminelles anciennes non résolues), ni vu de séries sur le sujet. Du coup je pensais être un pionnier (rires). L'idée est venue par le biais d'un producteur télé qui m'a demandé d'écrire des enquêtes d'un officier de police. Mais je lui ai ri au nez, car c'était le sujet le plus ennuyeux possible. Je voulais être libre, libre de raconter un accident de supertanker dans l'océan, de noyer 2 000 personnes si je le souhaite, et dans une série télé vous ne pouvez pas faire ça. J'avais besoin de craquer le code. Un flic ordinaire ne fait qu'une activité à la fois, dans un lieu donné. Les cold cases permettent une plus grande liberté. Carl Mørck n'a qu'une envie : être licencié. Mais sa hiérarchie ne fait pas ça, elle préfère attendre qu'il s'en aille de lui-même. Mais pourquoi le ferait-il ? Il peut tranquillement fumer et regarder la télé dans son bureau du sous-sol. Et cela pourrait durer longtemps, c'est pourquoi j'ai introduit le personnage d'Assad, qui est le catalyseur du récit. Il presse Carl de résoudre les affaires, il est aussi un personnage drôle. Mais avec le personnage ronchon de Carl, on allait retomber dans un schéma connu de beaucoup de thrillers. C'est pourquoi est arrivé un personnage qui vient mettre le chaos dans tout ça, à savoir Rose. Elle est un peu étrange, et dans le tome 6, c'est parfois elle qui dirige l'enquête, pas Carl, qui pourtant est le seul vrai flic du groupe. Elle a beaucoup de secrets, comme les autres. Et ces secrets vont tous être révélés, au fil des 10 chapitres. Je vous en livre un peu dans chaque livre. Vous ne pouvez vous empêcher d'échafauder des théories au sujet des personnages, mais vous vous trompez probablement. (rire d'apprenti maître du monde)."

 

"Je suis en train d'écrire le tome 7, où je vais révéler le secret de Rose. Rose qui a deux dimensions en elle, qui pourraient être le Bien et le Mal, mais c'est plus complexe que ça. Dans le 8, nous sommes dans la tête d'Assad. Pas un endroit sympathique. Pour le 9, ans la tête de Carl. Pas très bon non plus... Du coup le tome 10 va permettre de boucler la boucle. Je connais la fin de la série. Jusqu'à l'été dernier, je ne connaissais pas la dernière phrase, mais à présent elle est là, et c'est très important. Un matin je me suis levé, hilare. C'était brillant, fantastique. cela fait de l'histoire un cercle parfait, et j'adore ce genre d'histoires. J'en ris encore. "

 

 

"Il va vous alloir attendre un peu pour ce tome 7. Lorsque la traduction du tome 1 est arrivée en France, vous aviez 3 ans de retard. Et ensuite l'éditeur a enquillé les tomes, jusqu'à me rattraper. Du coup le rythme va se ralentir. En Allemagne l'éditeur serait presque prêt à les sortir avant que je les écrive. C'est plutôt stressant, car il faut qu'ils soient traduits, tout de même. Le tome 6 était long, très centré sur une véritable investigation policière, une caractéristique qui plaît beaucoup à mes lecteurs policiers. Mais le suivant doit être plus court, il sera moins orienté sur une enquête, mais entrera plus en profondeur dans la tête des personnages. Je ne vais pas faire comme JK Rowling avec les Harry Potter, partant d'un roman court pour parvenir à quelque chose de très gros. Chez moi le dernier tome fera trois chapitres et coûtera 200 euros (éclat de rire général)."

 

"Le personnage de Hardy ? (NB : un collègue de Carl, qu'il a recueilli chez lui alors qu'il est sorti tétraplégique de la fusillade où un autre de leurs collègues a été tué). Un ami médecin m'a dit d'arrêter de torturer ce personnage. Il faut qu'il aille de l'avant. Le souci c'est que Hardy représente une partie des secrets de Carl, et qu'il a peur que cette partie sorte au moment où Hardy se lèvera de son lit. Mais il aime Hardy. c'est son paradoxe."

 

 

"Oui, j'ai forcément été influencé par des films et par d'autres romans. J'ai étudié le cinéma, je sais ce qu'est une adaptation, et je sais comment certaines adaptations auraient pu être meilleures qu'elles ne le furent. Voir mes romans adaptés au cinéma ? L'adaptation des deux premiers romans a été faite, et je leur en ai donné seulement quatre au total. Car ils (la firme Zentropa Entertainments) n'ont pas développé le background de la série, qui est pourtant primordial à mes yeux. Nous verrons pour la suite avec une autre firme. mais je vais vous dire quelque chose. Cette femme, Elizabeth, mon assistante, a dit "non" à 47 sociétés de production en Europe et aux Etats-Unis pour adapter le Département V. Aucune n'avait la même vision que moi de la série. Il y a deux jours j'ai signé un contrat avec Scott Frank; merveilleux scénariste américain et producteur de films comme Get Shorty, Le Petit Homme et Minority Report. C'est aussi quelqu'un de très libre, c'est pourquoi nous avons signé un contrat pour faire une série télévisée de dix saisons adaptant le Département V : un livre, une saison. Il commence à recruter l'équipe de production pour démarrer le tournage. Mais attention, un film d'adaptation est tout de même une trahison. Cela donne des visages à un personnage que vous avez imaginé en le lisant. Après, c'est quand même excitant de s'asseoir dans le noir et de voir son nom sur l'écran. Les éditeurs espèrent recruter de nouveaux lecteurs par le biais des films. Mais ce n'est pas le cas, à mon avis. Il est rare qu'il y ait une synergie entre un film et un livre. C'est très souvent l'inverse. Je pense à ce roman de John Irving, l'oeuvre de Dieu, la part du Diable, dont il a également signé le scénario pour une adaptation au cinéma. Et le film est meilleur que le bouquin. Il a sublimé les personnages et l'intrigue, et c'est bluffant. Je pourrais faire cela, mais je suis trop vieux pour ça, tout simplement."

 

 

"Une histoire c'est comme un élastique. Si vous le comprimez, ça fait un film, mais vous voyez moins de choses. Par contre si vous l'étirez, il va gagner en solidité, et cela peut donner une série TV intéressante. On ne peut présumer de rien, mais les séries télévisées sont très populaires en ce moment, et leur qualité est fantastique."

 

"S'il y a des sujets que je m'interdis d'évoquer ? Je n'écris pas sur des jeunes enfants battus. Cc'est ignoble. Dans Profanation, ils ont 15-16 ans. De même, je n'ai pas envie de raconter des mauvaises actions dans des avions, cela me semble trop facile à réaliser. La plupart des histoires se déroulent au Danemark, car Carl est terrifié par les voyages en avion. Il est allé une fois à Madrid, mais cela n'arrivera plus, car cela fut terrible pour lui. Il n'a pas vraiment le pied marin non plus, vous l'avez vu dans le 6. Assad boit de l'alcool par accident dans ce même opus, alors que cela lui est interdit en tant que musulman. Ce sont des choses qui ne vont plus arriver. Je ne raconte pas non plus des détails dans certaines actions, car les lecteurs imaginent eux-mêmes les détails. Quand je relis mon roman, j'enlève beaucoup de détails. Tenez, je ne décris pas Carl Mørck, car je suis sûr que chacun d'entre vous se le représente d'une façon différente (assentiment général). Je me concentre sur ses pensées, ses sentiments. Car je veux être respectueux par rapport à certaines choses, et par rapport aux lecteurs.

 

"Mon objectif est d'aller un peu partout au Danemark au travers de mes écrits. (suggestion d'une blogueuse : pourquoi pas à Skagen, le bout du monde au Danemark, un endroit où deux mers se rencontrent, c'est un endroit très émouvant ?) Ok, ma chère, un de mes romans va s'y dérouler. J'ai besoin de parler de la société danoise. Par exemple concernant les réfugiés : "Venez à nos frontières, nous prendrons soin de vous.", claironnent nos gouvernants dans les media. Ce n'est pas vrai du tout. Ils sont complètement incompétents, et nous attendons les prochains élections pour leur botter le cul, dans deux ans. Certains lecteurs désapprouvent les opinions politiques que je peux développer dans mes romans, mais en réalité je n'en dis rien. Je suis plutôt de gauche, comme la plupart des écrivains, mais j'essaie de garder mon esprit critique, une part incessible de la démocratie selon moi. Je ne suis pas conservateur, mais j'ai été élevé dans un environnement conservateur, avec mes parents, dans un esprit de travailler tant d'heures par jour, être bien habillé, etc., et j'aime ça. Mais j'ai aussi apprécié de vivre l'époque hippie. Ce mélange culturel est une richesse, et j'apprécie de pouvoir me moquer des gens guindés. Et l'histoire de mon pays m'intéresse aussi. Prenons par exemple cette horrible histoire à Sprogo, que je raconte dans Dossier 64. Eh oui, c'est arrivé dans le pays des contes de fées de Hans Christian Andersen ! Je suis sûr que je pourrais trouver des histoires comme ça en France. Dans le tome 7, je m'attaque à un élément problématique et contemporain de la société danoise.

 

 

"Je sais où je vais, dans mon récit. Au final il semblerait que ça va me prendre quelques années de plus que prévu au départ, mais c'est comme ça, il semble que j'aurai 70 ans avant que ce soit fini (NB : il en 65 à présent). J'ai mis sept ans à écrire Miséricorde, et j'ai mis aussi du temps à écrire le secret de Carl. Toute la trame de la série est écrite, et conservée dans une carte mémoire. Un de mes amis est au courant de tout ça, et c'est le seul. Elizabeth, mon éditeur, ma femme ne savent rien. Car j'ai besoin d'eux comme premiers lecteurs, j'ai besoin qu'ils ne s'attendent pas à ce que je vais écrire. J'ai déterminé dès le départ une dizaine d'intrigues, mais je peux à loisir les interchanger, je l'ai déjà fait d'ailleurs. Cela peut changer avec l'atmosphère, les personnages... Lorsque j'entame l'écriture d'un nouveau roman, j'écris un synopsis d'une vingtaine de pages. Pour le tome 7, ce synopsis ne comptait que 15 pages. J'improvise pas mal dans mon écriture, surtout à la fin. Et au milieu du script, vous vous retrouvez là, à essayer de trouver l'explication de la mort de la personne qui a été tuée. Donc vous vous asseyez devant votre page blanche, et vous attendez, vous attendez. Et si ça ne vient pas, ça viendra le lendemain matin, au réveil. Souvent je ne me lève pas avant onze heures. Parfois ma femme me dit "il est dix heures, bonne nouvelle, debout !" Et je réponds "Chhhht ! je travaille !" (rires). Je n'ai pas de routine. Je voyage beaucoup, fais beaucoup de choses qui n'ont rien à voir avec l'écriture. On me demande souvent A quelle heure commencez-vous à travailler ? Je n'en sais rien. Combien d'heures par jour ? Jamais la même chose. Tout cela pour ne pas écrire la même histoire à chaque fois, même s'il subsiste des "clichés" et un squelette reconnaissables dans mon texte. Comme certains passages humoristiques, certaines situations, qui sont des passages obligés. Mais à côté de ça, nous avons Hafez el-Assad, venu de Syrie. Qui constitue un mystère, et introduit de la fantaisie dans mes histoires."

 

"Le titre du tome 7 ? Ça fait partie des choses que je ne dévoile jamais à l'avance. C'est un secret. C'est vrai que le tome 6 porte en français le titre Promesse, alors qu'en danois c'est l'équivalent de Sans limites. Pour Dossier 64 et l'Effet papillon, ce sont des traductions littérales, mais les autres non. Cela serait peut-être mieux que le titre soit en rapport avec le contenu du livre, j'avoue. Mais je ne contrôle pas mes éditeurs. Je pourrais avoir ce pouvoir, mais je ne l'utilise pas. C'est leur travail. Regardez les titres des romans de Stieg Larsson : la fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette, les hommes qui n'aimaient pas les femmes... Ce sont des titres qui accrochent, c'est l'effet Stieg Larsson. Promesse. Ça ne m'attire pas. Mais bon, tant pis. Pardon ? Mon nom est trop long et du coup il y a moins de place sur la couverture ? ok." (rires)

 

 

"Après le Département V ? J'écrirai des one-shots. Le premier que je vais faire se passera en Chine principalement mais aussi à Berlin et au Danemark. C'est très excitant, je travaille dessus depuis 10 ans à présent et je dois encore bosser dessus pendant 5 ou 6 ans. Ça m'embête de ne pas l'avoir encore fini. Ensuite j'ai encore au moins deux autres romans en tête. ils devraient être plus courts (sourires).

 

Benoît, blogueur, indique à l'auteur qu'au-delà des intrigues policières, c'est la vie de l'équipe du Département V qui rend l'ensemble addictif. C'est comme nous étions nous aussi dans l'équipe, dit-il. Nous abondons dans son sens. Jussi, reconnaissant, indique que ses personnages sont presque vivants, qu'ils sont presque comme des membres de sa famille à ses yeux, surtout Assad. Il termine en indiquant que lorsqu'on lui demande quel est son roman préféré dans la série, il répond qu'il les aime tous. A la question concernant son personnage préféré, sa réponse est  : celui de Nikki, qui apparaît dans Profanation, un personnage primesautier, naïf, auquel il pense régulièrement, parce qu'il est vivant.

 

 

Elizabeth, l'assistante, intervient pour indiquer que si nous avions des questions supplémentaires, nous pouvions les lui adresser, et Jussi nous répondra. "En général, elle en sait plus sur mon oeuvre et moi que moi-même", ajoute Jussi. Ce fut donc une (très belle rencontre, avec un grand auteur qui s'est montré sylmpathique, spirituel, parfois drôle, un peu à l'image de ses romans, comme le signalera Benoît. Après la rencontre nous fûmes conviés à un buffet délicieux, assistant à un petit disours du président des Editions Albin Michel au sujet d'un de ses auteurs-phares, et pouvant converser avec les attachées de presse de la maison, ainsi que l'éditrice d'Adler Olsen..

 

Un grand grand merci à Aurore et aux équipes de chez Albin Michel pour ce moment privilégié avec un grand auteur. Les blogs de mes camarades : L'oiseau-lyre de Lystig, Accroc des Livres et à l'ombre du noyer.

 

Spooky

 

pour lire mes chroniques sur les tomes précédents de la série, par ordre chronologique :

 

 

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L
Merci !<br /> (ps : je ne viens pas de Marseille... plutôt du côté de Sainte Victoire !)
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S
Oui, j'avais un peu raccourci :)
T
Magnifique article! Le mien arrive mais tu as mis la barre très haute...<br /> Bravo! Et merci Albin Michel :-))
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