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...:::Ansible:::...

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Tous les territoires de l'imaginaire, en vitesse supra-luminique. Chroniques sur le cinéma, la littérature, les jeux, séries TV, bandes dessinées.

Publié le par Ansible
Publié dans : #Livres



Sorti il y a 10 ans, l'occasion est belle de remettre en lumière ce monument...

Conseillé par d’autres fans d'univers de science-fiction ambitieux, La Horde du contrevent (Editions La Volte et Folio SF) est une vraie claque.


Imaginez une Terre poncée, avec en son centre une bande de cinq mille kilomètres de large et sur ses franges un miroir de glace à peine rayable, inhabité. Imaginez qu’un vent féroce en rince la surface. Que dans les villages qui s’y sont accrochés, avec leurs maisons en goutte d’eau, les chars à voile qui la strient, les airpailleurs debout en plein flot, tous résistent. Imaginez qu’en Extrême-Aval ait été formé un bloc d’élite d’une vingtaine d’enfants aptes à remonter au cran, rafale en gueule, leur vie durant, le vent jusqu’à sa source, à ce jour jamais atteinte : l’Extrême-Amont.


Mon nom est Sov Strochnis, scribe. Mon nom est Caracole le troubadour et Oroshi Melicerte, aéromaître. Je m’appelle aussi Golgoth, traceur de la Horde, Arval l’éclaireur et parfois même Larco lorsque je braconne l’azur à la cage volante. Ensemble, nous formons la Horde du Contrevent. Il en a existé trente-trois en huit siècles, toutes infructueuses. Je vous parle au nom de la trente-quatrième : sans doute l’ultime.

Ca n'a pas l'air de grand-chose, mais à partir de ce décor et de ces quelques personnages, Alain Damasio va nous proposer un roman à la fois surprenant et inoubliable. Sa Horde est donc composée au départ de 23 membres, tous différents, avec leurs aptitudes, leurs caractères propres. La première bonne idée est d'en faire, à tour de rôle et suivant les besoins, le narrateur de l'histoire. Mais plutôt que de nous les présenter de façon scolaire, il nous les décline au cours d'une sorte de spectacle vivant donné par la Horde et orchestrée par Caracole, le conteur-troubadour, lorsque nos Hordiers croisent la route d'un gigantesque bâtiment remontant le vent à la force des moteurs. Caracole, un personnage vraiment exceptionnel, qui met en exergue la verve rhétorique de Damasio au travers de plusieurs scènes d'anthologie, dont une joute oratoire d'un niveau exceptionnel. Caracole, dont l’identité réelle est une énigme, lui qui semble entretenir une relation intime avec son environnement.

 

Mais il y a bien sûr d'autres personnages incroyables dans cette Horde, en premier lieu Golgoth, le Traceur, celui qui décide de la voie à suivre pour son groupe, celui qui resserre les rangs, parfois à coups de dents, sans vergogne et avec une volonté inébranlable. J'aime beaucoup Sov, le Scribe qui retranscrit toute l'équipée sur le carnet de contre, une tradition qui a permis à chaque Horde de profiter des leçons de ses devancières. Damasio a composé un groupe d'une diversité qui n'égale que sa complémentarité, avec par exemple une guérisseuse, une feuleuse, capable de faire jaillir une flamme même sous la pluie battante, un combattant-protecteur... Je ne ferai pas le catalogue de tous les personnages, mais chacun a un rôle bien particulier dans l'histoire.


Le destin (et la raison d'être) de la Horde est donc de remonter le vent afin de trouver sa source, le fameux Extrême-Amont. Elle va donc croiser de nombreux obstacles, aux formes variées, parmi lesquelles les moins étonnantes ne sont pas les chrones, ces créatures qui semblent manipuler le temps de façon très diverses. A ce titre, le véramorphe est l’une des créatures les plus géniales de la littérature mondiale ; son impact sur le temps est très particulier. Le temps est d'ailleurs le thème central du roman, car le temps est mouvement, et le mouvement est la vie.

 

La Horde du Contrevent est le récit du choc entre deux mouvements, celui, constant, éternel, tout-puissant, du vent, et celui, plus ponctuel, timide et discontinu, de la Horde. Les hordiers se battent, luttent malgré les coups du sort pour continuer leur route. Damasio utilise et décline le thème du temps, inventant de nouveaux paradoxes, trouvant des trous d’air au milieu des rafales. Par moments, on tutoie le magistral, le solennel… L’auteur utilise aussi toutes les ressources de la langue française pour faire rendre les armes au lecteur. Langage de haut niveau, parfois technique, il invente souvent des néologismes, des mots-valises pour faire avancer son récit. Et pas besoin d’un lexique pour comprendre ce qu’il se passe. C’est là encore dans le rythme, l’utilisation du temps que cela se passe : certaines scènes d’action se déroulent très vite, à d’autres il vaut mieux se poser pour bien comprendre une déclamation… Juste sublime.

 

Oh, et encore une utilisation –à ma connaissance- inédite de l’objet-livre, mais aussi du temps : en général un bouquin commence à la page 1 (ou 3, ou 10, c’est selon), et la pagination augmente au fil de la lecture. Dans La Horde du Contrevent, celle-ci décroît vers la conclusion, le destin inéluctable de la bande à Golgoth. A l’ouverture on sait donc qu’il reste 521 pages à lire. 521 pages très denses, qui commencent par une phrase de Caracole dispersée (par le vent ?) qui dit « Nous sommes faits de l’étoffe dont sont tissés les vents ».

 

Le roman nous conte 23 destins, ceux des Hordiers, avec chacun ses peurs, ses joies, ses pensées, son destin. Ce sont des quêtes intérieures individuelles, des quêtes intimement liées à l’essence de ce monde, le vent, mais aussi le vif. Qu’est-ce que le vif ? A vrai dire, à l’issue de votre lecture, vous ne le saurez pas vraiment, même si on pourrait dire que c’est l’âme de chacun des personnages, mais aussi son étincelle vitale. La quête des personnages dure 30 ans, et s’achève de façon très surprenante. Le choix de la multi-narration est astucieusement matérialisé par un symbole typographique particulier à chacun.

 

La Horde du Contrevent est un livre-univers, il contient énormément d’éléments permettant de comprendre comment celui-ci fonctionne. Sa lecture ne laisse personne indifférent, à moins d’être allergique aux logorrhées audacieuses. Un véritable chef-d’œuvre, qui a reçu en 2006 le Grand Prix de l’Imaginaire, en tant que meilleur roman francophone. Rien n’est laissé au hasard dans ce roman, pas même le nom de la maison d’édition, La Volte, qui suggère une danse, un mouvement, un vent tourbillonnant… Une maison d’édition qui se dit animée par… "une horde, sans cesse mouvante, d'amis et de passionnés…" La Horde du Contrevent est le premier ouvrage paru chez la Volte en 2004. CQFD.

 

Le livre est complété par un marketing multimedia de premier ordre. En plus d’une édition « classique », vous pouvez vous procurer une version comportant un CD de musique. « Mélodies organiques à l’élégance électro-pop, percutées de bruits bruts, rehaussées d’harmonica, de guitare slide et de bouzouki. Entendez ces nappes riches tissées de voix chapechutées, de boléros souples, soudain déchirées de brefs textes. Le vent fluide enfle. La Horde marche, rythme et nous obsède. Laissez-vous guider par les trompes des pharéoles, traversez la Flaque à mi-torse et ne dites jamais « Fontaine… ».  Une édition prestige comprend un DVD avec des bonus plutôt intéressants (entretiens avec l’auteur, court-métrage, diaporama d’illustrations…).

 

Et je ne serais pas complet si je ne parlais pas du site internet où l’on retrouve la plupart de ces bonus, mais aussi une revue de presse et une section « l’univers du livre », où l’on peut retrouver des descriptions, des musiques, des illustrations, ainsi qu’un intéressant « atelier » comportant plusieurs versions de l’écriture de Damasio. Sans oublier des notes biographiques pour chacun des contributeurs de l’ensemble (Damasio bien sûr, mais aussi le compositeur des musiques, l’illustrateur, les concepteurs du site et l’éditeur). Juste incontournable.

 

Spooky.

 

Damasio/La Volte

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S
Erwelyn, la reine du teaser :)
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E
Même si je ne peux citer aucun nom, je te confirme que le travail de X sur le roman a été apprécié très apprécier par le directeur de La Volte. C'est donc sur la bonne voie.
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A
Très bon choix de lecture, ce livre est une merveille... d'ailleurs c'est pour cela que je me suis procuré l'édition collector
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A
Moi je suis bien tentée par le concept de La Volte. Me faire la lecture dans l'ambiance musicale , etc ... C'est bien de pouvoir mélanger les univers et les uspports médiatiques complémentaires.
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Z
Je l'ai lu l'an dernier et je n'ai toujours pas récupéré de la claque que ce chef d'oeuvre m'a mis !
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Y
Je voulais le lire un moment de temps, mais... ben on verra... un jour peut-être.A part ça, Survivant, de Chuck Palahniuk, a aussi une numérotation des pages (et des chapitres) inversée...
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S
Erwelyn > Cool, ça ! J'attends de tes nouvelles donc :)
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E
Ouah ! Quel engoûment ! Depuis le temps qu'il est sur ma pile. En tout cas, même si je ne peux pas en dire plus car rien n'est encore validé, un dessinateur de ma connaissance planche sur une version illustrée (pas bande-dessinée, vraiment le texte illustré...) Voilà, quand j'en saurait plus, et à condition que le projet aille au bout, tu seras le premier au courant , mais je me réserve l'interview...
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