Matheson signe ici un roman qui se démarque de la production habituelle de mort-vivants. Son récit a la particularité de former un huis-clos très prenant, où le lecteur est pratiquement en tête à tête avec le héros. Mais peut-on traiter Neville de héros, tant Matheson s'attache à rendre son personnage humain, avec ses doutes, ses craintes et ses faiblesses. Loin d'être un récit d'action, Je suis une légende est un récit posé, où les réflexions de Neville occupent une part importante du roman. On suit ainsi la progression de cet homme ordinaire, dernier survivant sain d'esprit de la grande pomme maintenant rongée par les vampires.
Matheson tente également une approche intéressante en ce qui concerne le vampirisme. En prenant à contre-pied les poncifs du genre, il nous propose une interprétation scientifique de ce phénomène. Malheureusement, à moins d'avoir quelques notions de biologie, vous n'en piperez pas grand mot, même si les passages explicatifs se veulent plutôt concis et relativement éloignés d'un traité de médecine.
Mais le grand intérêt de ce livre, au-delà de l'aspect psychologique déjà captivant, réside dans l'étude de la nature humaine et des relations entre minorité et majorité. A travers l'opposition manichéenne, ou du moins que l'on considère comme telle durant une grande partie, c'est véritablement une réflexion du libre arbitre qui transparait, gardant pour la fin une révélation évidente qui se veut fracassante. Ce qui n'empêche pas Matheson de conclure sur une note shakespearienne troublante.
S'il ne fallait retenir que l'essentiel, c'est que ce roman aurait pu faire un flop. Mais c'était sans compter sur le talent narratif de Matheson qui parvient à conjuguer scènes banales et ennuyeuses au plaisir de lecture. La tentative d'explication du vampirisme est intéressante malgré son côté un peu trop abscons, mais on regrettera surtout une réflexion qui aurait pu être plus poussée.
GiZeus.